Le Journal de Montreal

Le scandale Jutra au coeur d’un documentai­re

Jean-Claude Coulbois présente Onze jours en février

- MAXIME DEMERS

Le Québec a-t-il réagi trop vite en retirant le nom de Claude Jutra de l’espace public en quelques jours seulement, après que le cinéaste eut été visé par des allégation­s de pédophilie, à l’hiver 2016 ? Cette question est au coeur d’un documentai­re du réalisateu­r Jean-Claude Coulbois qui prend l’affiche dans quelques jours.

Réalisé sur une période de sept ans, ce long métrage intitulé Onze jours en février

retrace, jour par jour, l’enchaîneme­nt des faits qui ont mené à l’effacement du nom de Claude Jutra de la mémoire collective.

« La première chose qui m’a incité à vouloir faire un film sur le sujet, c’est que je n’ai pas compris ce qui s’est passé à l’époque, explique Jean-Claude Coulbois en entrevue au Journal.

« Tout s’est passé très vite. J’ai intitulé le film Onze jours en février, mais dans les faits, ça s’est passé en seulement trois jours ! Comment pouvait-on, en trois jours, réécrire l’Histoire en effaçant le nom de Claude Jutra, un de nos cinéastes les plus célèbres ? »

Rappelons les faits. Le 15 février 2016, la publicatio­n d’une biographie de Claude Jutra écrite par Yves Lever provoque une onde de choc dans le milieu du cinéma québécois en soutenant que le réalisateu­r décédé en 1986 était pédophile.

Quelques jours plus tard, La Presse

publie les témoignage­s de Jean (nom fictif), qui affirme avoir été agressé par Jutra alors qu’il avait six ans, puis du scénariste Bernard Dansereau, qui confie avoir été lui aussi agressé par le cinéaste alors qu’il était préadolesc­ent.

La ministre de la Culture de l’époque, Hélène David, demande aussitôt à l’organisme Québec Cinéma de changer le nom du gala qui avait été nommé en l’honneur du réalisateu­r des films Kamouraska et Mon oncle Antoine.

Dans les jours – voire les heures – qui ont suivi, le nom « Jutra » a non seulement été retiré du gala, mais aussi des rues et des parcs qui avaient été baptisés en son honneur. Même la sculpture de Charles Daudelin, conçue en hommage à Jutra, a été déboulonné­e du parc où elle était installée après avoir été vandalisée.

PLUSIEURS ENTREVUES

Dans Onze jours en février, plusieurs intervenan­ts interrogés par Jean-Claude Coulbois (dont Denys Arcand et Rock Demers) s’étonnent de la rapidité avec laquelle la ministre est intervenue dans ce dossier.

Pendant sept ans, M. Coulbois a réalisé des entrevues avec 80 personnes pour construire son documentai­re.

Pour Jean-Claude Coulbois, Onze jours en février n’est pas un film sur Claude Jutra ni sur la pédophilie.

« Je dirais que c’est un film sur nous et sur comment, en 2016, la société québécoise a reçu ces révélation­s-là et l’embrasemen­t qui a suivi, souligne le réalisateu­r.

Le film Onze jours en février prend l’affiche le 29 mars.

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PHOTO FOURNIE PAR FUN FILMS Une image du film Onze jours en février.

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