Le Journal de Montreal

Le Sénégal entre le meilleur et le pire

- Loic.tasse@ quebecorme­dia.com

Rien de tel que de risquer de perdre la démocratie pour en saisir toute la valeur. Cette expérience pénible, plus de 18 millions de Sénégalais l’ont vécue ces derniers mois. L’élection présidenti­elle d’hier a ainsi pris des allures de revanche contre des dirigeants qui sont perçus comme corrompus, incompéten­ts et enclins à piétiner la démocratie quand cela fait leur affaire.

Au moment d’écrire cette chronique, les résultats de l’élection présidenti­elle n’étaient pas encore connus. De plus, les sondages électoraux sont interdits dans le pays.

Cependant, un consensus se dégage autour de l’émergence de deux candidats qui devraient s’affronter au second tour de la présidenti­elle : Amadou Ba, 62 ans, le candidat du président sortant et de la continuité, et Bassirou Diomaye Faye, 43 ans, le candidat du changement.

Ba est aimé dans la population, mais sa proximité avec l’ancien président lui nuit. Faye est à peu près inconnu, mais il est vu comme le remplaçant du populaire Ousmane Sonko, condamné en 2019 à 2 ans de prison pour débauche, et de ce fait, déclaré inéligible à l’élection présidenti­elle de 2024.

Le vent de changement souffle très fort au Sénégal, d’autant plus que la moitié de sa population a moins de 19 ans et qu’un chômage élevé frappe les jeunes.

La mise en exploitati­on cette année de gisements de pétrole et de gaz suscite beaucoup d’espoir dans l’opposition. Celle-ci accuse le gouverneme­nt d’avoir trop favorisé les entreprise­s étrangères.

DEUX SCÉNARIOS

L’élection d’hier s’inscrit aussi dans les rivalités d’alliances entre grandes puissances en Afrique.

Dans le meilleur scénario, l’élection d’hier pavera la voie à un Sénégal plus démocratiq­ue, plus indépendan­t économique­ment et résolument ancré dans le camp des démocratie­s.

Dans le pire des cas, le Sénégal pourrait dériver vers une dictature proche d’autres dictatures, notamment la Russie, la Chine et l’Arabie saoudite.

Les réactions brutales de la population à la suite de la tentative de report sine die de l’élection par le président sortant et la décision du Conseil constituti­onnel de renverser cette tentative montrent que la démocratie est vigoureuse dans le pays. Mieux, l’armée sénégalais­e a la réputation d’être profession­nelle et non alignée. Elle ne serait donc pas tentée par un coup d’État.

VRAI DANGER

Le véritable danger réside dans les partenaria­ts du Sénégal.

C’est que la France a retiré presque tous ses militaires du pays. De plus, elle est devenue le bouc émissaire de tout ce qui va mal dans ses anciennes colonies africaines, et le Sénégal n’échappe pas au mouvement.

Cet opprobre s’appuie parfois sur les raisons réelles, comme le contrôle du franc CFA par Paris. Mais souvent, les motifs sont faux, comme dans le cas de la montée de l’islamisme ou des problèmes de chômage.

Or, la Russie, la Chine ou l’Arabie saoudite n’attendent que l’occasion de faire basculer le Sénégal dans leur giron.

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L’ancien premier ministre du Sénégal Amadou Ba a déposé son bulletin de vote hier.

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