Le Journal de Montreal

Un « bidule à 15 $ » pour aider Hydro

Un ex-ingénieur estime avoir la solution pour éviter de manquer d’électricit­é sans changer nos habitudes TA VAISSELLE À L’HEURE QUE TU VEUX ET PRENDRE DEUX

- DAVID DESCÔTEAUX

Alors que le ministre Pierre Fitzgibbon s’apprête à imposer la « sobriété énergétiqu­e » aux Québécois en leur demandant de laver leur vaisselle à minuit, contrôler le chauffe-eau d’un citoyen sur quatre en période de pointe pourrait régler le problème de gestion de la pointe pour des années à venir, sans changer nos habitudes.

« Le ministre Fitzgibbon aime bien rappeler qu’on devrait faire marcher notre lave-vaisselle la nuit. Mais le problème ce n’est pas le lave-vaisselle, qui est juste une machine qui consomme peu de courant. Le problème c’est quand on le démarre, on consomme de l’eau chaude, et là, le chauffe-eau se met en marche. C’est lui qui consomme beaucoup d’énergie, et qu’il faut fermer », dit Jean-Marc Pelletier, un ex-ingénieur d’Hydro-Québec.

Selon ses calculs, installer un module télécomman­dable qui couperait l’alimentati­on de l’élément sur un chauffe-eau sur quatre au Québec (soit un million de clients résidentie­ls) permettrai­t de diminuer la demande en puissance de 4500 mégawatts, soit environ 10 % de toute la puissance installée dans les centrales d’Hydro (40 000 mégawatts).

Autrement dit, lors des périodes de grands froids, où la demande d’électricit­é est forte pour Hydro-Québec, une telle mesure serait amplement suffisante pour s’assurer que personne ne manque de courant.

« Avec une telle mesure, Hydro-Québec comblerait ses besoins en périodes de pointe pour des années à venir », dit l’ingénieur.

« Et avec un chauffe-eau de 60 gallons, tu peux laver ta vaisselle à l’heure que tu veux et prendre deux douches sans problème. Il y en a de l’eau chaude là-dedans ! »

LES VOITURES ÉLECTRIQUE­S

Il faudrait selon lui envisager une mesure similaire pour débrancher les systèmes de recharge pour les véhicules électrique­s aux heures de forte demande.

« Les gens arrivent de travailler vers 17 h. Comme ils n’ont pas envie de sortir à 23 h pour brancher leur véhicule, alors ils le branchent tous en même temps, en revenant du boulot. Mais si le gouverneme­nt forçait les fabricants de bornes de recharge à les rendre télécomman­dables par Hydro-Québec, les gens pourraient brancher leur auto en arrivant et Hydro activerait la recharge plus tard en soirée », explique JeanMarc Pelletier, qui a aussi travaillé 25 ans à l’Institut de recherche d’Hydro-Québec (IREQ).

Autant pour les chauffe-eau que pour les bornes de recharge de voitures électrique­s, on parle d’un « bidule qui coûte 15 ou 20 $ », selon l’ingénieur. « C’est juste un interrupte­ur qui reçoit un signal », dit-il.

ÇA FONCTIONNE AILLEURS

Et une économie de 4000 MW en période de pointe permettrai­t d’éviter la constructi­on de six centrales au gaz naturel, comme celle de Bécancour, ajoute-t-il.

« M. Pelletier a absolument raison », souligne Francois Bouffard, professeur associé au Départemen­t de génie électrique et informatiq­ue de l’université McGill.

Ce dernier rappelle que cette approche a déjà été mise à l’essai chez Hydro-Sherbrooke, mais le programme a été arrêté par la Direction de la santé publique de l’Estrie en 2017 à cause de cas de légionello­se (présence de bactéries dans l’eau), qui se produisent si la températur­e du chauffe-eau descend trop bas.

« Il faudrait simplement s’assurer d’avoir des périodes d’interrupti­ons plus courtes afin que la températur­e de l’eau ne descende pas en deçà d’un certain niveau. Au Royaume-Uni, ils font ça depuis longtemps », ajoute le professeur.

« AVEC UN CHAUFFE-EAU DE 60 GALLONS, TU PEUX LAVER

DOUCHES SANS PROBLÈME. » – Jean-Marc Pelletier

PROJET DE LOI

Rappelons que le ministre de l’Énergie Pierre Fitzgibbon, qui a récemment dit que les Québécois sont des « derniers de classe » en consommati­on d’énergie et qu’ils devront « consommer moins » d’électricit­é et « aux bons moments » pour réussir la transition énergétiqu­e, déposera son projet de loi sur l’avenir énergétiqu­e ce printemps.

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PHOTO FOURNIE PAR JEAN-PIERRE PELLETIER Jean-Pierre Pelletier devant un réservoir d’eau chaude de 240 litres, qui fait partie de son plan pour réduire la consommati­on.

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