Un « bidule à 15 $ » pour aider Hydro
Un ex-ingénieur estime avoir la solution pour éviter de manquer d’électricité sans changer nos habitudes TA VAISSELLE À L’HEURE QUE TU VEUX ET PRENDRE DEUX
Alors que le ministre Pierre Fitzgibbon s’apprête à imposer la « sobriété énergétique » aux Québécois en leur demandant de laver leur vaisselle à minuit, contrôler le chauffe-eau d’un citoyen sur quatre en période de pointe pourrait régler le problème de gestion de la pointe pour des années à venir, sans changer nos habitudes.
« Le ministre Fitzgibbon aime bien rappeler qu’on devrait faire marcher notre lave-vaisselle la nuit. Mais le problème ce n’est pas le lave-vaisselle, qui est juste une machine qui consomme peu de courant. Le problème c’est quand on le démarre, on consomme de l’eau chaude, et là, le chauffe-eau se met en marche. C’est lui qui consomme beaucoup d’énergie, et qu’il faut fermer », dit Jean-Marc Pelletier, un ex-ingénieur d’Hydro-Québec.
Selon ses calculs, installer un module télécommandable qui couperait l’alimentation de l’élément sur un chauffe-eau sur quatre au Québec (soit un million de clients résidentiels) permettrait de diminuer la demande en puissance de 4500 mégawatts, soit environ 10 % de toute la puissance installée dans les centrales d’Hydro (40 000 mégawatts).
Autrement dit, lors des périodes de grands froids, où la demande d’électricité est forte pour Hydro-Québec, une telle mesure serait amplement suffisante pour s’assurer que personne ne manque de courant.
« Avec une telle mesure, Hydro-Québec comblerait ses besoins en périodes de pointe pour des années à venir », dit l’ingénieur.
« Et avec un chauffe-eau de 60 gallons, tu peux laver ta vaisselle à l’heure que tu veux et prendre deux douches sans problème. Il y en a de l’eau chaude là-dedans ! »
LES VOITURES ÉLECTRIQUES
Il faudrait selon lui envisager une mesure similaire pour débrancher les systèmes de recharge pour les véhicules électriques aux heures de forte demande.
« Les gens arrivent de travailler vers 17 h. Comme ils n’ont pas envie de sortir à 23 h pour brancher leur véhicule, alors ils le branchent tous en même temps, en revenant du boulot. Mais si le gouvernement forçait les fabricants de bornes de recharge à les rendre télécommandables par Hydro-Québec, les gens pourraient brancher leur auto en arrivant et Hydro activerait la recharge plus tard en soirée », explique JeanMarc Pelletier, qui a aussi travaillé 25 ans à l’Institut de recherche d’Hydro-Québec (IREQ).
Autant pour les chauffe-eau que pour les bornes de recharge de voitures électriques, on parle d’un « bidule qui coûte 15 ou 20 $ », selon l’ingénieur. « C’est juste un interrupteur qui reçoit un signal », dit-il.
ÇA FONCTIONNE AILLEURS
Et une économie de 4000 MW en période de pointe permettrait d’éviter la construction de six centrales au gaz naturel, comme celle de Bécancour, ajoute-t-il.
« M. Pelletier a absolument raison », souligne Francois Bouffard, professeur associé au Département de génie électrique et informatique de l’université McGill.
Ce dernier rappelle que cette approche a déjà été mise à l’essai chez Hydro-Sherbrooke, mais le programme a été arrêté par la Direction de la santé publique de l’Estrie en 2017 à cause de cas de légionellose (présence de bactéries dans l’eau), qui se produisent si la température du chauffe-eau descend trop bas.
« Il faudrait simplement s’assurer d’avoir des périodes d’interruptions plus courtes afin que la température de l’eau ne descende pas en deçà d’un certain niveau. Au Royaume-Uni, ils font ça depuis longtemps », ajoute le professeur.
« AVEC UN CHAUFFE-EAU DE 60 GALLONS, TU PEUX LAVER
DOUCHES SANS PROBLÈME. » – Jean-Marc Pelletier
PROJET DE LOI
Rappelons que le ministre de l’Énergie Pierre Fitzgibbon, qui a récemment dit que les Québécois sont des « derniers de classe » en consommation d’énergie et qu’ils devront « consommer moins » d’électricité et « aux bons moments » pour réussir la transition énergétique, déposera son projet de loi sur l’avenir énergétique ce printemps.