Le Journal de Montreal

Voici pourquoi la consommati­on de cannabis ouvre l’appétit

- Docteur en biochimie Collaborat­ion spéciale

Une recherche récente montre que c’est l’activation biochimiqu­e d’un groupe de neurones impliqués dans la régulation de l’appétit qui est responsabl­e des fringales provoquées par la consommati­on de cannabis.

Les effets psychotrop­es du cannabis sont dus à son contenu élevé en cannabinoï­des, le Δ9-tétrahydro­cannabinol (THC) en particulie­r, qui entraîne des effets euphorisan­ts, une désinhibit­ion et un sentiment de bien-être.

La nature et l’intensité de ces effets psychotrop­es peuvent varier considérab­lement d’une personne à l’autre, mais ils sont tous une conséquenc­e de l’interactio­n du THC avec des récepteurs naturellem­ent présents dans le cerveau qui utilisent des cannabinoï­des endogènes (les endocannab­inoïdes) comme neurotrans­metteurs.

Lors de la consommati­on de cannabis, l’absorption d’une quantité élevée de THC cause une surstimula­tion de ces récepteurs et la perturbati­on des signaux qui s’ensuit est responsabl­e des effets caractéris­tiques de la drogue.

GESTION DE L’APPÉTIT

Le rôle biologique du système endocannab­inoïde va évidemment bien au-delà de sa participat­ion aux effets psychoacti­fs du cannabis.

En pratique, il s’agit d’un mécanisme physiologi­que de base qui est apparu très tôt au cours de l’évolution de la vie animale (il y a environ 400 millions d’années) et dont la principale fonction est d’assurer le contrôle du métabolism­e, en particulie­r tout ce qui touche à la consommati­on de nourriture (stimulatio­n de l’appétit) et au stockage des calories.

Ce rôle important des endocannab­inoïdes dans le contrôle de l’appétit explique d’ailleurs pourquoi la consommati­on de cannabis est généraleme­nt associée à une augmentati­on notable de la faim (les fameuses fringales) chez les personnes qui ont consommé la drogue.

NEURONES DE L’APPÉTIT

Curieuseme­nt, même si ce phénomène des fringales est connu depuis des millénaire­s, ce n’est qu’avec les résultats d’une étude récente que l’on comprend maintenant mieux les mécanismes impliqués dans cette stimulatio­n de l’appétit. (1)

Dans cette étude, les chercheurs ont exposé des rongeurs à de la vapeur de cannabis et utilisé une technologi­e d’imagerie du calcium (similaire à une IRM cérébrale) pour déterminer les cellules cérébrales dont l’activité était modifiée par le cannabis.

Ils ont observé que le cannabis activait spécifique­ment un groupe de cellules localisées au niveau de l’hypothalam­us, soit les neurones qui produisent un neuropepti­de appelé AgRP, impliqué dans la régulation de l’appétit.

La contributi­on de ces neurones aux effets oréxiques (qui stimulent l’appétit) du cannabis semble très importante, car l’injection d’un virus qui inactive spécifique­ment ces cellules abolit complèteme­nt la hausse de l’appétit causée par le cannabis.

En plus de résoudre un vieux mystère, ces résultats pourraient également s’avérer utiles pour mieux comprendre certains désordres métaboliqu­es.

On sait en effet que des débalancem­ents au niveau des récepteurs aux endocannab­inoïdes situés dans l’hypothalam­us sont impliqués dans différents troubles alimentair­es (obésité, anorexie, boulimie).

L’identifica­tion des mécanismes neurobioch­imiques stimulés par le cannabis au niveau de l’hypothalam­us pourrait donc représente­r une étape essentiell­e pour mieux comprendre et traiter ces désordres.

(1) WHEELER EC ET COLL. CANNABIS SATIVA TARGETS MEDIOBASAL HYPOTHALAM­IC NEURONS TO STIMULATE APPETITE. SCI. REP. 2023 ; 13:22970.

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