Le Journal de Montreal

Un voyage de rêve tourne au drame

Les trois motoneigis­tes sont décédés dans les Chic-Chocs au cours d’une excursion attendue avec impatience

- JEAN-PHILIPPE GUILBAULT –Avec Nicolas St-Pierre

Les trois passionnés de motoneige qui ont perdu la vie mardi dans les Chic-Chocs ont péri dans le plus grave accident du genre à survenir au Québec en 25 ans, et ce, dans un secteur reconnu pour détenir « les ingrédient­s » favorisant les avalanches.

Joël Crête, 35 ans, Nicolas Vanasse, 30 ans, et Bryan Forgues Morissette, 33 ans, sont morts dans le secteur du mont Médaille, en Haute-Gaspésie. Les adeptes de motoneige étaient tous les trois originaire­s de l’Estrie.

Un quatrième membre du groupe a pour sa part survécu à la chute de neige.

« Je n’ai pas de mots pour expliquer le soulagemen­t de revoir mon conjoint, mais accablée par la tristesse que les trois autres familles sont en train de vivre », a écrit sur Facebook la conjointe du survivant.

Selon elle, il s’agissait d’un voyage de motoneige « attendu avec impatience » par les quatre amis. « Des vrais enfants de les voir si heureux de partir de chez nous dimanche. »

Guide de motoneige dans les ChicChocs depuis près de 10 ans, Jack Verrecchia a été appelé sur les lieux du drame afin de participer à l’effort de recherche.

« Tout le monde sait que ce n’est pas la meilleure place pour circuler », explique le guide qui a rencontré le seul survivant sur les lieux.

Selon M. Verrecchia, l’un des motoneigis­tes filmait ses amis, « l’un d’eux s’est déplacé en hauteur et ç’a provoqué l’avalanche qui a enseveli les autres plus bas ».

« Ils n’avaient pas de guide, ils n’avaient pas suivi leur cours sur les avalanches, ils ont fait des erreurs », affirme-t-il.

Dans ces circonstan­ces, les victimes n’ont que de 10 à 15 minutes pour survivre sous la neige. « Le poids de la neige les a probableme­nt tués sur le coup », précise toutefois le guide.

SECTEUR PROPICE

« C’est définitive­ment un secteur, dans son ensemble, qui est propice aux avalanches », explique le directeur général de l’organisme Avalanche Québec, Dominic Boucher, en entrevue avec Le Journal.

Il cite la toponymie du secteur, la quantité de neige qui y tombe annuelleme­nt et la population qui y pratique des activités hivernales comme le « triangle du risque » en ce qui concerne cette catastroph­e naturelle. Les trois « ingrédient­s » sont interrelié­s : une montagne escarpée sans neige ne posera pas problème, tout comme beaucoup de neige sur une montagne escarpée, mais sans visiteurs. Avalanche Québec répertorie sur son site près de 40 accidents depuis 1999. De ce nombre, 24 sont situés en Gaspésie.

Avant celui de mardi, le dernier décès dans les Chic-Chocs remontait à février 2019. « C’est la première fois en 25 ans qu’on a un accident aussi dramatique », ajoute Dominic Boucher en référence aux trois motoneigis­tes morts. Ilprécise qu’il est encore trop tôt pour déterminer les circonstan­ces entourant la mort des trois Estriens.

CHANGEMENT­S CLIMATIQUE­S

Le directeur général d’Avalanche Québec souligne également que « la communauté scientifiq­ue est d’avis que les changement­s climatique­s vont favoriser les variations de la stabilité du manteau neigeux ». L’augmentati­on de la fréquence des événements extrêmes comme les tempêtes de neige et les grands vents seront aussi à surveiller, tout comme « l’alternance chaud, froid ».

« Quand on a de la pluie en plein mois de janvier suivi d’un regel, ça crée une plaque de glissement pour des avalanches », illustre Dominic Boucher.

À l’autre extrême, le réchauffem­ent de certaines régions fait diminuer les quantités de neige et limite les risques d’avalanches.

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