Le Journal de Montreal

Les unions parentales seront encadrées

Un nouveau régime s’appliquera aux parents non mariés en cas de séparation

- PATRICK BELLEROSE

Onze ans après l’affaire Éric c. Lola, Québec crée un régime d’union parentale qui imposera des obligation­s aux parents non mariés, dont le partage de la maison familiale, de la voiture et des meubles, en cas de rupture.

Le ministre Simon Jolin-Barrette a déposé, hier, le plus gros morceau de la réforme du droit de la famille amorcé sous le précédent gouverneme­nt de la CAQ.

Après avoir encadré la grossesse pour autrui, Québec souhaite maintenant créer des responsabi­lités pour les parents conjoints de fait (voir encadré).

« Aucun enfant ne devrait faire les frais de la séparation de ses parents », fait valoir le ministre de la Justice.

Ainsi, le nouveau régime s’appliquera aux parents vivant en union libre pour les enfants nés ou adoptés après l’entrée en vigueur de la loi. « Il est hors de question de marier les gens de force, au Québec », a pris soin de préciser Simon Jolin-Barrette.

Pour les parents non mariés ayant déjà des enfants, ils pourront s’inscrire volontaire­ment en effectuant la démarche auprès d’un notaire.

PATRIMOINE FAMILIAL

Le nouveau régime d’union parentale prévoit que le patrimoine familial acquis après la naissance de l’enfant (maison, autos, meubles de la résidence) doit être séparé à parts égales en cas de rupture. La portion des biens payés avant la naissance de l’enfant, elle, est exclue du calcul.

Avec ce nouveau mécanisme, Québec souhaite éviter qu’un conjoint soit propriétai­re de la maison, tandis que l’autre paie l’épicerie. Dans un tel scénario, « monsieur ou madame se retrouve le bec à l’eau, avec aucun actif » lors d’une séparation, fait remarquer M. Jolin-Barrette.

Pour les mêmes raisons, le versement d’une « prestation compensato­ire » est prévu si l’un des parents s’est appauvri au profit de l’autre durant l’union, en se consacrant davantage aux enfants, par exemple.

Québec veut également interdire à un parent en colère de mettre son conjoint à la porte, s’il a la garde des enfants, comme c’est déjà le cas pour les personnes mariées.

« Cela signifie qu’un conjoint pourrait, pour un temps donné, demeurer dans la résidence familiale malgré qu’il n’en soit pas le propriétai­re », explique le ministre Jolin-Barrette.

Contrairem­ent au mariage classique, toutefois, la réforme ne prévoit aucun partage d’autres sommes d’argent avec l’ex-conjoint (économies dans un compte courant, REER, fonds de retraite, pension alimentair­e).

« Ça, ce sont les protection­s associées au mariage. On laisse le choix aux gens », dit Simon Jolin-Barrette.

ÉRIC C. LOLA

Avec son nouveau régime d’union parentale, Québec vise à répondre au jugement de la Cour suprême dans l’affaire Éric c. Lola, en 2013.

Dans cette cause, « Lola » réclamait une pension alimentair­e, un montant forfaitair­e de 50 millions $ et l’accès au patrimoine financier de son ex-conjoint milliardai­re.

La Cour suprême avait jugé que le régime québécois d’union de fait est discrimina­toire, puisqu’il n’offre pas la même protection que le mariage. Toutefois, le plus haut tribunal du pays avait laissé le soin au Québec de modifier la loi.

Malgré les importants travaux d’un comité consultati­f mis sur pied par le gouverneme­nt Marois, le dossier avait été tabletté sous Philippe Couillard, avant d’être remis sur les rails par les caquistes.

UN « PAS TIMIDE »

Un des experts consultés à l’époque, le professeur Dominique Goubau, salue « l’audace » du ministre Jolin-Barrette de s’attaquer à l’épineux dossier, même s’il juge qu’il s’agit d’un « pas timide » pour mieux protéger les conjoints plus démunis.

« La conclusion logique aurait été de donner les mêmes protection­s aux conjoints de fait [avec enfants] qu’aux conjoints mariés. Mais c’est pas du tout ça qui arrive », souligne celui qui enseigne à la Faculté de droit à l’Université Laval.

Par exemple, illustre-t-il, un enfant né avant l’adoption de la loi pourra se retrouver à la rue avec sa mère, tandis qu’un autre né après aura le droit de demeurer temporaire­ment dans la résidence familiale.

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CAPTURE D’ÉCRAN TVA NOUVELLES Le ministre de la Justice Simon Jolin-Barrette présentant à l’Assemblée nationale sa réforme du droit de la famille.

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