Les unions parentales seront encadrées
Un nouveau régime s’appliquera aux parents non mariés en cas de séparation
Onze ans après l’affaire Éric c. Lola, Québec crée un régime d’union parentale qui imposera des obligations aux parents non mariés, dont le partage de la maison familiale, de la voiture et des meubles, en cas de rupture.
Le ministre Simon Jolin-Barrette a déposé, hier, le plus gros morceau de la réforme du droit de la famille amorcé sous le précédent gouvernement de la CAQ.
Après avoir encadré la grossesse pour autrui, Québec souhaite maintenant créer des responsabilités pour les parents conjoints de fait (voir encadré).
« Aucun enfant ne devrait faire les frais de la séparation de ses parents », fait valoir le ministre de la Justice.
Ainsi, le nouveau régime s’appliquera aux parents vivant en union libre pour les enfants nés ou adoptés après l’entrée en vigueur de la loi. « Il est hors de question de marier les gens de force, au Québec », a pris soin de préciser Simon Jolin-Barrette.
Pour les parents non mariés ayant déjà des enfants, ils pourront s’inscrire volontairement en effectuant la démarche auprès d’un notaire.
PATRIMOINE FAMILIAL
Le nouveau régime d’union parentale prévoit que le patrimoine familial acquis après la naissance de l’enfant (maison, autos, meubles de la résidence) doit être séparé à parts égales en cas de rupture. La portion des biens payés avant la naissance de l’enfant, elle, est exclue du calcul.
Avec ce nouveau mécanisme, Québec souhaite éviter qu’un conjoint soit propriétaire de la maison, tandis que l’autre paie l’épicerie. Dans un tel scénario, « monsieur ou madame se retrouve le bec à l’eau, avec aucun actif » lors d’une séparation, fait remarquer M. Jolin-Barrette.
Pour les mêmes raisons, le versement d’une « prestation compensatoire » est prévu si l’un des parents s’est appauvri au profit de l’autre durant l’union, en se consacrant davantage aux enfants, par exemple.
Québec veut également interdire à un parent en colère de mettre son conjoint à la porte, s’il a la garde des enfants, comme c’est déjà le cas pour les personnes mariées.
« Cela signifie qu’un conjoint pourrait, pour un temps donné, demeurer dans la résidence familiale malgré qu’il n’en soit pas le propriétaire », explique le ministre Jolin-Barrette.
Contrairement au mariage classique, toutefois, la réforme ne prévoit aucun partage d’autres sommes d’argent avec l’ex-conjoint (économies dans un compte courant, REER, fonds de retraite, pension alimentaire).
« Ça, ce sont les protections associées au mariage. On laisse le choix aux gens », dit Simon Jolin-Barrette.
ÉRIC C. LOLA
Avec son nouveau régime d’union parentale, Québec vise à répondre au jugement de la Cour suprême dans l’affaire Éric c. Lola, en 2013.
Dans cette cause, « Lola » réclamait une pension alimentaire, un montant forfaitaire de 50 millions $ et l’accès au patrimoine financier de son ex-conjoint milliardaire.
La Cour suprême avait jugé que le régime québécois d’union de fait est discriminatoire, puisqu’il n’offre pas la même protection que le mariage. Toutefois, le plus haut tribunal du pays avait laissé le soin au Québec de modifier la loi.
Malgré les importants travaux d’un comité consultatif mis sur pied par le gouvernement Marois, le dossier avait été tabletté sous Philippe Couillard, avant d’être remis sur les rails par les caquistes.
UN « PAS TIMIDE »
Un des experts consultés à l’époque, le professeur Dominique Goubau, salue « l’audace » du ministre Jolin-Barrette de s’attaquer à l’épineux dossier, même s’il juge qu’il s’agit d’un « pas timide » pour mieux protéger les conjoints plus démunis.
« La conclusion logique aurait été de donner les mêmes protections aux conjoints de fait [avec enfants] qu’aux conjoints mariés. Mais c’est pas du tout ça qui arrive », souligne celui qui enseigne à la Faculté de droit à l’Université Laval.
Par exemple, illustre-t-il, un enfant né avant l’adoption de la loi pourra se retrouver à la rue avec sa mère, tandis qu’un autre né après aura le droit de demeurer temporairement dans la résidence familiale.