Le Journal de Montreal

Ottawa veut se mêler des droits des locataires, Québec dit « non »

Les enjeux propriétai­res-locataires sont de compétence provincial­e

- RAPHAËL PIRRO

Le gouverneme­nt Trudeau envisage une « charte des droits des locataires » qui forcerait les propriétai­res à fournir un « historique clair » des loyers, une propositio­n déjà perçue comme un affront aux compétence­s de Québec.

En plus d’aider les locataires à « négocier équitablem­ent » leur loyer et d’instaurer un bail standard pancanadie­n, cette « charte » servirait aussi de levier pour « sévir contre les rénovictio­ns, établir un contrat de location standard à l’échelle nationale et donner plus de pouvoir aux locataires », affirme Ottawa.

À trois semaines du dépôt du budget fédéral, Justin Trudeau et la ministre des Finances Chrystia Freeland ont dévoilé, à Vancouver, ville la plus chère au pays, ces politiques à même de faire revenir au bercail les électeurs millénaria­ux et de la génération Z, de plus en plus tentés par les conservate­urs.

« Nous avons atteint un moment charnière pour les millénaria­ux et la génération Z. Ils sont remplis de talent et ont un potentiel énorme. Ils ont besoin de voir et de sentir que notre pays peut fonctionne­r à leur avantage », a déclaré la ministre Freeland.

« C’EST NON », DIT ROBERGE

Le hic, c’est que les enjeux propriétai­res-locataires sont régis par le Code civil québécois et sont donc de compétence provincial­e.

« Alors là, c’est simple, c’est non, a lancé le ministre québécois des Relations canadienne­s Jean-François Roberge. Il n’est pas question de tolérer ce nouvel envahissem­ent des champs de compétence du Québec. »

« Si le gouverneme­nt fédéral veut vraiment contribuer […] qu’il réduise l’immigratio­n temporaire, qu’il réduise le nombre de demandeurs d’asile en ce moment. »

À ses côtés, la ministre de l’Habitation France-Hélène Duranceau a assuré que le sort des locataires a déjà été amélioré à travers la loi 31, adoptée le mois dernier.

Coïncidenc­e, la mairesse de Montréal Valérie Plante a annoncé, en même temps que Justin Trudeau, des mesures pour protéger les locataires, mais a reculé sur l’adoption d’un registre des loyers pour déléguer le tout à Québec.

UNE COTE DE CRÉDIT AMÉLIORÉE ?

Le gouverneme­nt Trudeau a aussi l’intention d’établir un fonds de 15 M$ destiné aux organismes juridiques spécialisé­s entre autres dans la défense des locataires contre les hausses abusives et les rénovictio­ns.

Finalement, il envisage de « faire en sorte que la cote de crédit des locataires tienne compte des paiements de loyer effectués à temps ».

Questionné à savoir si ses propositio­ns empiétaien­t sur les compétence­s des provinces, Justin Trudeau a souligné que les banques et les institutio­ns financière­s « sont de compétence fédérale ».

Cela vaut pour sa propositio­n concernant la cote de crédit, mais M. Trudeau ne s’est pas prononcé sur l’empiétemen­t d’une éventuelle « charte des locataires ».

UNE « PRESSION » SUR QUÉBEC

L’annonce inattendue d’Ottawa témoigne de l’ampleur qu’a prise la crise du logement, estime Martin Blanchard, du Regroupeme­nt des comités logement et des associatio­ns de locataires du Québec (RCLALQ).

« On ne pense pas sincèremen­t que le gouverneme­nt du Québec va laisser le gouverneme­nt canadien lui imposer un nouveau bail. […] Il n’y a pas grand-chose qui relève du fédéral là-dedans », renchérit Véronique Laflamme, du Front d’action populaire en réaménagem­ent urbain (FRAPRU).

Ces derniers estiment toutefois que l’initiative d’Ottawa ajoute de la pression sur Québec pour qu’il instaure un registre des locataires.

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PHOTO D’ARCHIVES Justin Trudeau ne s’est pas prononcé concernant l’empiétemen­t sur les compétence­s du Québec d’une éventuelle « charte des locataires ».

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