Ottawa veut se mêler des droits des locataires, Québec dit « non »
Les enjeux propriétaires-locataires sont de compétence provinciale
Le gouvernement Trudeau envisage une « charte des droits des locataires » qui forcerait les propriétaires à fournir un « historique clair » des loyers, une proposition déjà perçue comme un affront aux compétences de Québec.
En plus d’aider les locataires à « négocier équitablement » leur loyer et d’instaurer un bail standard pancanadien, cette « charte » servirait aussi de levier pour « sévir contre les rénovictions, établir un contrat de location standard à l’échelle nationale et donner plus de pouvoir aux locataires », affirme Ottawa.
À trois semaines du dépôt du budget fédéral, Justin Trudeau et la ministre des Finances Chrystia Freeland ont dévoilé, à Vancouver, ville la plus chère au pays, ces politiques à même de faire revenir au bercail les électeurs millénariaux et de la génération Z, de plus en plus tentés par les conservateurs.
« Nous avons atteint un moment charnière pour les millénariaux et la génération Z. Ils sont remplis de talent et ont un potentiel énorme. Ils ont besoin de voir et de sentir que notre pays peut fonctionner à leur avantage », a déclaré la ministre Freeland.
« C’EST NON », DIT ROBERGE
Le hic, c’est que les enjeux propriétaires-locataires sont régis par le Code civil québécois et sont donc de compétence provinciale.
« Alors là, c’est simple, c’est non, a lancé le ministre québécois des Relations canadiennes Jean-François Roberge. Il n’est pas question de tolérer ce nouvel envahissement des champs de compétence du Québec. »
« Si le gouvernement fédéral veut vraiment contribuer […] qu’il réduise l’immigration temporaire, qu’il réduise le nombre de demandeurs d’asile en ce moment. »
À ses côtés, la ministre de l’Habitation France-Hélène Duranceau a assuré que le sort des locataires a déjà été amélioré à travers la loi 31, adoptée le mois dernier.
Coïncidence, la mairesse de Montréal Valérie Plante a annoncé, en même temps que Justin Trudeau, des mesures pour protéger les locataires, mais a reculé sur l’adoption d’un registre des loyers pour déléguer le tout à Québec.
UNE COTE DE CRÉDIT AMÉLIORÉE ?
Le gouvernement Trudeau a aussi l’intention d’établir un fonds de 15 M$ destiné aux organismes juridiques spécialisés entre autres dans la défense des locataires contre les hausses abusives et les rénovictions.
Finalement, il envisage de « faire en sorte que la cote de crédit des locataires tienne compte des paiements de loyer effectués à temps ».
Questionné à savoir si ses propositions empiétaient sur les compétences des provinces, Justin Trudeau a souligné que les banques et les institutions financières « sont de compétence fédérale ».
Cela vaut pour sa proposition concernant la cote de crédit, mais M. Trudeau ne s’est pas prononcé sur l’empiétement d’une éventuelle « charte des locataires ».
UNE « PRESSION » SUR QUÉBEC
L’annonce inattendue d’Ottawa témoigne de l’ampleur qu’a prise la crise du logement, estime Martin Blanchard, du Regroupement des comités logement et des associations de locataires du Québec (RCLALQ).
« On ne pense pas sincèrement que le gouvernement du Québec va laisser le gouvernement canadien lui imposer un nouveau bail. […] Il n’y a pas grand-chose qui relève du fédéral là-dedans », renchérit Véronique Laflamme, du Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU).
Ces derniers estiment toutefois que l’initiative d’Ottawa ajoute de la pression sur Québec pour qu’il instaure un registre des locataires.