De Louis Cyr à François Legault : le test de l’écartèlement
Vous avez sans doute vu cette fameuse photo de Louis Cyr, l’homme fort québécois, ou alors vu le film où l’événement est recréé.
Le colosse a des cordes enroulées autour de chaque bras. Au bout des cordes, il y a des chevaux.
Au signal, les chevaux essaient d’avancer dans des directions opposées.
Le héros pourra-t-il résister à l’écartèlement ?
TRANSFERT
À l’automne 2022, la CAQ fut réélue avec 41 % du vote populaire.
Le PQ, QS, le PLQ et le PCQ obtinrent respectivement 15 %, 15 %, 14 % et 13 % (j’arrondis les chiffres).
Aujourd’hui, la CAQ recueille 22 % des intentions de vote et le PQ en récolte 34 %.
Les trois autres partis font du surplace.
La baisse de la CAQ et la montée du PQ s’expliquent par un phénomène de vases communicants : les péquistes séduits par la CAQ sont retournés dans leur maison ancestrale.
L’appui global à la souveraineté, lui, ne bouge pas.
Pour stopper cette hémorragie, on pourrait croire que la CAQ aurait tout intérêt à redevenir plus nationaliste, à durcir le ton face à Ottawa.
C’est ici que ça devient fichtrement compliqué. En juin 2022, quand on demandait aux sympathisants de la CAQ leur intention de vote au niveau fédéral, 45 % d’entre eux disaient qu’ils appuieraient le Bloc, 33 % appuieraient les libéraux de Trudeau, et 12 % appuieraient les conservateurs de Poilievre.
Deux ans plus tard, en février 2024, l’exode des péquistes retournés à leur parti d’origine change profondément la composition de l’électorat caquiste qui reste.
Parmi ces 22 % de sympathisants caquistes, ils sont 42 % à préférer Trudeau, 31 % à appuyer le Bloc et 20 % à soutenir les conservateurs.
Le contingent le plus important de caquistes se range maintenant derrière le parti fédéral historiquement le plus hostile au nationalisme québécois, et dont le chef actuel rejette chaque demande du gouvernement Legault en un clin d’oeil.
Bref, c’est l’écartèlement : pour contrer le PQ, la CAQ devrait critiquer et défier le gouvernement fédéral, mais ses appuis les plus nombreux verraient d’un très mauvais oeil ces épreuves de force.
Vous devriez aller dans un sens, mais beaucoup de vos partisans ne veulent surtout pas, et préféreraient même que vous vous rapprochiez de celui qui vous envoie promener depuis des années.
OXYGÈNE
S’il fallait en plus que le prochain chef du PLQ réussisse lui aussi – on ne sait jamais – à ramener les fédéralistes dans leur maison ancestrale, il restera quoi à la CAQ ?
La CAQ a donc peut-être intérêt, plutôt que de chercher à reconquérir les souverainistes qui l’ont abandonnée, à devenir résolument fédéraliste pour priver d’oxygène le PLQ.
D’ici là, on comprend pourquoi la CAQ est confuse, critiquant Ottawa un jour, voulant dialoguer le jour suivant.
Ça ne pourra pas durer bien longtemps.