Une chanson en 55 secondes
Le Journal a testé Suno.AI, une application d’intelligence artificielle inquiétante
Fascinant, mais inquiétant. Le Journal a testé l’application web Suno.AI, qui permet, en moins d’une minute, de créer gratuitement une chanson complète à partir de quelques mots clés.
C’est d’une simplicité désarmante. Une fois sur le site web, il suffit de cliquer sur Create (Créer), puis d’inscrire quelques mots clés dans la boîte Song Description (Description de la chanson) et le tour est joué. Le site n’est disponible qu’en anglais, mais les paroles peuvent être générées dans toutes les langues. « C’est inquiétant, laisse tomber le guitariste David Bussières, du duo Alfa Rococo, après avoir fait l’essai de ce logiciel. Le résultat est loin d’être parfait, mais ce ne sont que les débuts. Dans deux ou trois ans, ça va s’être amélioré de façon exponentielle. »
55 SECONDES
En chronométrant le processus complet pour la création d’une chanson, Le Journal n’a mis que 55 secondes pour créer Fin de l’hiver, une chanson électro-pop rappelant le style du groupe Valaire.
En inscrivant « chanson pop francophone avec un couplet et un refrain à propos de la fin de l’hiver » dans la case Description de la chanson, le robot n’a eu besoin que d’une dizaine de secondes pour générer deux extraits qui correspondaient aux commandes.
Après avoir choisi le meilleur des deux, nous avons demandé à l’application d’y intégrer quelques secondes supplémentaires en écrivant dans la boîte à cet effet : « Finir la chanson avec des parties du refrain et une mélodie qui s’estompe graduellement », puis la piste était complète.
100 000 CHANSONS PAR JOUR
La possibilité de créer en si peu de temps un grand nombre de chansons est alarmante pour l’Association québécoise de l’industrie du disque, du spectacle et de la vidéo (ADISQ).
« Il y a plus de 100 000 chansons par jour qui sont déposées sur les plateformes d’écoute en continu, donc si on y ajoute des produits de l’intelligence artificielle, ça devient un océan duquel il est difficile d’émerger pour nos artistes », s’inquiète Simon Claus, directeur des affaires publiques et de la recherche chez ADISQ.
DROITS D’AUTEUR
La question des droits d’auteurs interpelle aussi les gens qui gravitent dans le milieu musical. Les applications comme Suno.AI peuvent puiser dans tous les répertoires musicaux disponibles, sans en avertir les artistes, pour arriver à produire ce qu’on leur demande.
« Comme on ne sait pas quelles données de quels répertoires sont utilisées, on ne peut pas appliquer la Loi sur le droit d’auteur et s’assurer que les artistes reçoivent les compensations qui leur sont dues lorsque leur musique est utilisée », se désole Simon Claus.
Un projet de loi fédérale est présentement en chantier pour arriver à exiger plus de transparence des administrateurs de logiciels ayant recours à l’intelligence artificielle. On souhaite que les responsables soient dans l’obligation de divulguer de quels artistes les logiciels s’inspirent et qu’ils soient contraints de le mentionner lorsqu’une chanson produite par IA se retrouve sur les plateformes.