Le Journal de Montreal

Une chanson en 55 secondes

Le Journal a testé Suno.AI, une applicatio­n d’intelligen­ce artificiel­le inquiétant­e

- ALEXANDRE CAPUTO

Fascinant, mais inquiétant. Le Journal a testé l’applicatio­n web Suno.AI, qui permet, en moins d’une minute, de créer gratuiteme­nt une chanson complète à partir de quelques mots clés.

C’est d’une simplicité désarmante. Une fois sur le site web, il suffit de cliquer sur Create (Créer), puis d’inscrire quelques mots clés dans la boîte Song Descriptio­n (Descriptio­n de la chanson) et le tour est joué. Le site n’est disponible qu’en anglais, mais les paroles peuvent être générées dans toutes les langues. « C’est inquiétant, laisse tomber le guitariste David Bussières, du duo Alfa Rococo, après avoir fait l’essai de ce logiciel. Le résultat est loin d’être parfait, mais ce ne sont que les débuts. Dans deux ou trois ans, ça va s’être amélioré de façon exponentie­lle. »

55 SECONDES

En chronométr­ant le processus complet pour la création d’une chanson, Le Journal n’a mis que 55 secondes pour créer Fin de l’hiver, une chanson électro-pop rappelant le style du groupe Valaire.

En inscrivant « chanson pop francophon­e avec un couplet et un refrain à propos de la fin de l’hiver » dans la case Descriptio­n de la chanson, le robot n’a eu besoin que d’une dizaine de secondes pour générer deux extraits qui correspond­aient aux commandes.

Après avoir choisi le meilleur des deux, nous avons demandé à l’applicatio­n d’y intégrer quelques secondes supplément­aires en écrivant dans la boîte à cet effet : « Finir la chanson avec des parties du refrain et une mélodie qui s’estompe graduellem­ent », puis la piste était complète.

100 000 CHANSONS PAR JOUR

La possibilit­é de créer en si peu de temps un grand nombre de chansons est alarmante pour l’Associatio­n québécoise de l’industrie du disque, du spectacle et de la vidéo (ADISQ).

« Il y a plus de 100 000 chansons par jour qui sont déposées sur les plateforme­s d’écoute en continu, donc si on y ajoute des produits de l’intelligen­ce artificiel­le, ça devient un océan duquel il est difficile d’émerger pour nos artistes », s’inquiète Simon Claus, directeur des affaires publiques et de la recherche chez ADISQ.

DROITS D’AUTEUR

La question des droits d’auteurs interpelle aussi les gens qui gravitent dans le milieu musical. Les applicatio­ns comme Suno.AI peuvent puiser dans tous les répertoire­s musicaux disponible­s, sans en avertir les artistes, pour arriver à produire ce qu’on leur demande.

« Comme on ne sait pas quelles données de quels répertoire­s sont utilisées, on ne peut pas appliquer la Loi sur le droit d’auteur et s’assurer que les artistes reçoivent les compensati­ons qui leur sont dues lorsque leur musique est utilisée », se désole Simon Claus.

Un projet de loi fédérale est présenteme­nt en chantier pour arriver à exiger plus de transparen­ce des administra­teurs de logiciels ayant recours à l’intelligen­ce artificiel­le. On souhaite que les responsabl­es soient dans l’obligation de divulguer de quels artistes les logiciels s’inspirent et qu’ils soient contraints de le mentionner lorsqu’une chanson produite par IA se retrouve sur les plateforme­s.

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PHOTO ADOBE STOCK La chanson que vous écouterez, aujourd’hui ou demain, aura peut-être été créée par l’intelligen­ce artificiel­le.

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