Les locataires sont des orphelins politiques
Comme si la crise du logement n’était pas assez dramatique, une « bonne » chicane fédérale-provinciale s’invite au bal des mal-logés. Justin Trudeau annonce entre autres la création d’une charte canadienne des droits des locataires.
Or, sans les moyens concrets d’appliquer des droits théoriques, cette mesure ne servira aucunement à mieux protéger les locataires. L’annonce cherche surtout à donner l’impression d’agir devant un Pierre Poilievre occupé à frapper sur le clou de la crise de l’habitation depuis des mois.
Résultat : le gouvernement Legault déchire sa chemise devant l’ingérence du fédéral. Pendant ce temps, de plus en plus de locataires sont prisonniers de loyers trop chers, d’évictions brutales, d’appartements insalubres ou délabrés.
Pour les gouvernements Trudeau et Legault, c’est une diversion commode de leur propre inaction au fil des dernières années. Et que dire de Valérie Plante ? La mairesse de Montréal renonce à sa promesse d’établir un registre obligatoire des loyers.
Quant à son projet d’inspections éventuelles de certains bâtiments de six logements et plus soupçonnés d’insalubrité, il est tellement limité qu’il sent la mauvaise blague.
À l’Assemblée nationale, les partis d’opposition ne savent plus à quel saint se vouer pour convaincre le gouvernement d’agir. Il refuse en effet d’instaurer un registre national des loyers, de mieux contrôler le prix des loyers et d’accélérer les mises en chantier.
Il a même retiré aux locataires leur droit acquis à la cession de bail et rejette tout moratoire sur les évictions le temps que la crise dure.
ÉVICTIONS TOXIQUES
Les évictions, nonobstant l’âge de ceux qui les subissent, nourrissent pourtant l’appauvrissement, le déracinement, l’itinérance et les problèmes de santé physique et mentale.
Comme on le sait, la crise est multifactorielle et ses impacts sont toxiques. C’est pourquoi, tous paliers de gouvernement confondus, ne pas agir sur tous les fronts revient à laisser volontairement la crise se détériorer.
Sur le plan strictement politique, le chef de Québec solidaire, Gabriel Nadeau-Dubois, a mis le doigt sur le bobo. « L’inaction de François Legault et l’opportunisme de Justin Trudeau, a-t-il lancé jeudi, marchent main dans la main. En abandonnant les locataires du Québec, François Legault a déroulé le tapis rouge à Justin Trudeau pour qu’il s’ingère dans les compétences du Québec. » Il aurait cependant dû ajouter que le fédéral a aussi sa part de responsabilité dans cette crise.
Encore une chicane fédéraleprovinciale qui sert aux gouvernements Trudeau et Legault pour faire diversion de leur inaction mutuelle devant l’aggravation constante de la crise du logement.
QUI S’EN OCCUPERA ?
Le chef péquiste, Paul St-Pierre Plamondon, a pointé Justin Trudeau. Selon lui, il serait « à l’origine de la crise du logement » avec « sa politique migratoire ». Or, bien au-delà de celle-ci, l’inertie des autres paliers de gouvernement depuis des années y est aussi pour beaucoup.
Avec raison, il a néanmoins soulevé l’absence de rapport de forces du gouvernement québécois face au fédéral. Un problème sérieux.
Mais guerre de compétences ou pas, dans ce mauvais vaudeville, les locataires sont, dans les faits, des orphelins politiques.
Le gouvernement Legault s’en lave les mains. Le gouvernement Trudeau en profite pour faire de l’ombre à Poilievre et tenter de lui ravir son vote perdu chez les jeunes.
À Montréal, la mairesse fait semblant d’agir.
L’autre jour, une citoyenne est venue me parler de la crise. À 57 ans, son proprio l’a évincée comme un vulgaire déchet. Obligée de se reloger pour beaucoup plus cher, elle réduit sa liste d’épicerie pour payer son loyer trop élevé à un autre proprio.
Inquiète, elle m’a posé une sacrée bonne question : « Qui, dans les gouvernements, finira par comprendre que la crise du logement n’a plus de maudit bon sens ? »
J’aurais tellement voulu pouvoir lui offrir un nom...