Le Journal de Montreal

Quand les gardiens de la voûte nous volent

- Économiste, animateur et chroniqueu­r mario.dumont@quebecorme­dia.com

La nouvelle peut paraître rassurante sur un aspect. L’Agence du revenu du Canada ne passe pas l’éponge avec les fraudeurs. L’agence a sorti la matraque et a carrément congédié 232 employés parce qu’ils ont collecté des chèques de PCU auxquels ils n’avaient pas droit.

Ils se sont fait montrer la porte, OK. Mais bon sang, il y a quand même 232 fonctionna­ires, à qui l’État avait confié la tâche d’administre­r le programme, qui ont tenté de frauder ledit programme. C’est énorme !

Oui, il y a des pommes pourries partout. Si on m’avait annoncé que deux ou trois fonctionna­ires avaient tenté de flouer leur propre système, j’aurais déploré la chose sourire en coin comme étant la triste normalité du genre humain. Mais plus de 200 ? ? ? Le nombre témoigne d’un problème plus gros.

LEUR DEVOIR

Ils étaient parmi ceux qui ont fixé les règles et mécanismes pour l’administra­tion du programme.

Ils étaient parmi ceux qui interpréta­ient les règles, les expliquaie­nt aux citoyens.

Ils étaient ceux qui devaient protéger notre argent et ils ont profité de leur position pour nous voler.

Lorsque tout le monde a pris conscience que beaucoup de sommes avaient été versées en trop, le gouverneme­nt a offert aux citoyens honnêtes de retourner l’argent. Il leur a donné du temps pour le faire. Ces 232 fonctionna­ires tordus recevaient et géraient les remboursem­ents des autres, mais n’ont jamais eu l’idée de rembourser eux-mêmes. Tu parles !

ORGIE

Je rappelle que la PCU (Prestation canadienne d’urgence) fut la réponse rapide et généreuse du gouverneme­nt fédéral aux pertes d’emploi durant la pandémie. Fermetures d’établissem­ents, annulation d’événements, les pertes d’emploi furent brutales et le gouverneme­nt voulait y apporter une réponse empressée.

Or, pour faire si vite, on a dû sacrifier la plupart des mécanismes normaux de vérificati­on et d’encadremen­t. Même Alain Choquette fut jaloux de la vitesse avec laquelle on faisait apparaître par magie les dépôts directs dans les comptes de banque.

Des adolescent­s qui avaient eu un petit boulot l’été précédent se levaient un matin avec 4000 $ dans leur compte de banque. Plusieurs n’avaient jamais eu autant d’argent !

Si l’urgence des deux ou trois premiers mois justifiait l’absence de contrôle, il aurait fallu rapidement instaurer des mécanismes de prévention de l’abus. Pendant des mois, plusieurs entreprise­s ne trouvaient même plus de maind’oeuvre parce que les bénéficiai­res de la PCU préféraien­t prendre le cadeau du fédéral et rester à la maison.

L’ampleur des versements injustifié­s a néanmoins dépassé tout ce qu’on pouvait imaginer. On estime maintenant que 680 000 personnes ont reçu des sommes indues pour un grand total de 1,2 milliard !

L’histoire des fonctionna­ires fraudeurs en dit long sur l’état d’esprit qui prévalait alors à l’Agence du revenu. Les responsabl­es du programme eux-mêmes avaient la perception que, pendant ces mois, l’argent des contribuab­les serait lancé par les fenêtres.

Facile pour le contribuab­le de devenir paranoïaqu­e lorsqu’on constate ce qui arrive à son argent.

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Le nombre de fonctionna­ires de l’ARC qui ont eux-mêmes fraudé la PCU est très anormal

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