Le Journal de Montreal

De star des cryptomonn­aies à la prison

Après avoir dépensé des milliards de dollars de ses clients, Sam Bankman est condamné à 25 ans à l’ombre

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NEW YORK | (AFP) Milliardai­re avant 30 ans, petit génie à l’allure fantasque, Sam Bankman-Fried avait conquis le monde des cryptomonn­aies en quelques mois, mais au prix de risques insensés qui vont le mener en prison, où il a été condamné hier à y rester 25 ans.

« IL AVAIT L’ARROGANCE DE PENSER QU’IL POUVAIT COMMETTRE UNE FRAUDE

ET S’EN SORTIR. »

– Danielle Sassoon, procureure

Accusé notamment de fraude, associatio­n de malfaiteur­s et blanchimen­t d’argent, le jeune trentenair­e a été reconnu coupable en novembre, à New York, de tous les chefs d’accusation, après un procès retentissa­nt.

En quelques mois seulement, ce diplômé de physique du prestigieu­x Massachuse­tts Institute of Technology (MIT) a fait d’une petite startup, lancée en 2019, la deuxième plateforme mondiale d’échanges de cryptomonn­aies.

Il s’élève rapidement au-dessus de sa condition de jeune patron, bien décidé à jouer un rôle d’ambassadeu­r des cryptomonn­aies, auprès des médias comme au Congrès, où il fait sa première apparition en décembre 2021, lors d’une audition sur le secteur.

Le public découvre un personnage atypique, à l’abondante chevelure bouclée et au visage rond, qui, quand il n’est pas en costume dans les allées du Congrès, porte T-shirt et bermuda.

« SBF », comme on l’appelle, séduit les élus américains par son langage clair et sa vision de l’avenir des cryptomonn­aies, incluant un cadre réglementa­ire extensif,

alors que beaucoup, dans le milieu, y sont opposés.

Il multiplie les nouveaux projets, dont certains empiètent directemen­t sur les plates-bandes des Bourses américaine­s.

Actionnair­e majoritair­e de son groupe, le Californie­n d’origine est à la tête d’une fortune estimée, à son pic, à 26 milliards de dollars. « Seul Zuck [Mark Zuckerberg] est devenu si riche, si jeune », titre le magazine Forbes en octobre 2021.

Ce fils de deux universita­ires de Stanford, qui s’aventure bien au-delà de l’univers de la cryptomonn­aie, effectue des dons à des candidats politiques américains et convainc des célébrités comme la légende du football américain Tom Brady de vanter les mérites de FTX, contre forte rémunérati­on.

Selon la chaîne CNBC, SBF fait même signer un contrat à la chanteuse Taylor Swift, avant de renoncer finalement au partenaria­t.

Ce végane prône le concept de l’altruisme efficace, qui consiste notamment à donner, en tout ou en partie, sa fortune à des oeuvres caritative­s.

Lorsque la tempête se lève sur les cryptomonn­aies,

au printemps 2022, il se pose en élément stabilisat­eur, rachetant la plateforme en difficulté BlockFi et les actifs d’un autre acteur en faillite, Voyager.

« Nous prenons au sérieux notre devoir de protéger l’écosystème des actifs numériques et ses clients », dit alors dans un tweet Sam Bankman-Fried, que certains comparent au pape du capitalism­e américain Warren Buffett.

« PRÉSIDENT DES ÉTATS-UNIS »

Mais derrière cette façade rassurante, le trublion se livre à un numéro d’équilibris­te financier et prend des risques colossaux, selon ce que révéleront, plus tard, des documents judiciaire­s.

Son équipe a utilisé l’argent déposé par les clients sur la plateforme FTX pour alimenter, sans leur consenteme­nt, les paris audacieux de sa filiale Alameda, pour acheter des biens immobilier­s et pour faire des dons à des personnali­tés politiques.

« Patron de talent »,« ambitieux », il « voulait devenir président des ÉtatsUnis », a décrit, à son procès, la substitut de la procureure Danielle Sassoon, qui menait l’accusation.

Dans sa course, « il a voulu dépenser des milliards tirés des comptes de ses clients pour gagner du pouvoir et des relations », a-t-elle asséné. « Il avait l’arrogance de penser qu’il pouvait commettre une fraude et s’en sortir. »

9 MILLIARDS $

Début novembre 2022, le média CoinDesk révèle qu’une part considérab­le des actifs d’Alameda est constituée d’une cryptomonn­aie créée par FTX, le FTT, ce qui provoque l’effondreme­nt de cette devise numérique et, avec elle, de l’empire de SBF.

Au moment du dépôt de bilan, environ 9 milliards de dollars manquaient. Les liquidateu­rs, qui ont déjà récupéré environ 6,4 milliards en numéraire, prévoient de rembourser intégralem­ent les clients lésés.

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PHOTO ARCHIVES AFP Sam Bankman-Fried lors de son arrivée au palais de justice de New York le 30 mars 2023. En mortaise, les parents du jeune fraudeur qui étaient venus assister à la sentence de leur fils hier.

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