Le Journal de Montreal

Le père de David Reinbacher se tient loin des réseaux sociaux

La réaction de certains partisans du CH au repêchage a déprimé le papa du choix de première ronde

- ANTHONY MARTINEAU

« Montréal est l’endroit le plus fou au monde en termes de passion pour le hockey. Mais il y a des choses qui se disent et d’autres non. Les gens auraient préféré un attaquant à David ? D’accord ! C’est leur droit. Ça fait partie du jeu et c’est légal. Mais quand j’entends ou je lis des gens associer David ou sa sélection à la Deuxième Guerre mondiale, c’est très difficile. Cela m’a déprimé, pour être honnête. »

Plus de neuf mois se sont écoulés depuis la sélection de David Reinbacher par le Canadien, mais certaines blessures sont toujours vives dans le coeur de son papa, Harald.

Si les récents et prometteur­s débuts du jeune défenseur avec le Rocket de Laval ont déclenché une immense vague d’amour à l’endroit du joueur, la famille Reinbacher a aussi connu l’envers de la médaille en juin dernier. Alors que plusieurs partisans du Canadien auraient souhaité voir le club repêcher un attaquant, certains d’entre eux, en réaction de l’arrière droitier, y sont allés de commentair­es odieux et complèteme­nt déplacés sur les réseaux sociaux.

Des commentair­es allant bien au-delà du hockey qui ont été publiés à répétition pendant de nombreuses semaines… et qui ont été vus par la famille du patineur autrichien.

HUMBLE ET GENTIL

« Les gens ne connaissai­ent même pas David à ce moment, rappelle Harald Reinbacher dans le cadre d’une généreuse entrevue avec le TVASports.ca. Et ils se permettent ce genre de commentair­es ? C’est un garçon humble, gentil. David n’était même pas né à ce moment. Son grand-père a pris part à la guerre et n’en a jamais parlé avec lui. Lire ça, c’était terrible. Je ne comprends toujours pas pourquoi ces stupides commentair­es ont été publiés. Si tu es assez intelligen­t, tu ne feras jamais ça […] Le pire, dans tout ça, c’est que ces gens-là n’auraient jamais le courage de te dire ça en face, poursuit l’homme de 51 ans. Mais ils peuvent dire ce qu’ils veulent derrière leur clavier, car peu importe les mots qu’ils écrivent, ils n’ont pas la moindre conséquenc­e. Je t’avoue que je me tiens très loin de tout ça maintenant. C’est difficile. »

Heureuseme­nt, Harald Reinbacher sait faire la part des choses. Après cette sortie en règle contre les pirates du web et leurs publicatio­ns dignes de poubelles industriel­les, le paternel prend soin d’ajouter qu’il sait pertinemme­nt que Montréal compte sur des partisans qui sont en très grande majorité bien intentionn­és.

« En Suisse, à peu près personne ne nous reconnaît. Au Québec, et je l’ai vécu en septembre, il nous est tout simplement impossible de sortir prendre un café sans qu’on se fasse demander un autographe. Les gens sont majoritair­ement très gentils. Les gens semblent de plus en plus heureux de la sélection de David. Cela apaise mon coeur. » Il y a une semaine, David Reinbacher effectuait ses débuts officiels en Amérique du Nord via un premier match dans la Ligue américaine de hockey. Le match, disputé à Belleville, débutait à 19 h, heure de l’Est. Il était donc 1 h du matin en Suisse, là où habitent toujours les parents de David.

« J’AI BONDI DE MON DIVAN ! »

Mais Harald n’allait certaineme­nt pas se servir de ce prétexte pour manquer cette partie.

Papa Reinbacher avoue avoir eu quelques doutes avant la partie.

« Honnêtemen­t, je me demandais beaucoup comment il allait gérer le décalage horaire. C’est sûr que j’étais un peu nerveux. Il est arrivé le lundi, mais tout s’est fait tellement rapidement ! Ce n’est pas facile pour le corps. Aussi, comment allait-il ajuster son jeu à la réalité nordaméric­aine ? Mais quand j’ai vu ses deux ou trois premières présences, j’ai su qu’il allait être OK. Je voyais dans son non ver

bal qu’il se sentait très confiant. Après quelques bonnes entrées et sorties de zone de sa part, ma nervosité est partie. » Et, en milieu de troisième, l’euphorie s’est invitée quand son fils a marqué.

« J’ai bondi de mon divan ! J’étais tellement heureux pour lui. La feinte qu’il a faite en entrée de zone m’a rappelé certaines séquences de son passage chez l’équipe U20 de Kloten [il avait récolté 22 points, dont neuf buts en 23 matchs cette année-là]. Plusieurs ont qualifié David de “strictemen­t défensif”, mais cela vous a démontré ce qu’il pouvait faire s’il avait la confiance de son entraîneur. »

CONFIANCE DES ENTRAÎNEUR­S

À quelques reprises pendant l’entrevue de près d’une heure, Harald Reinbacher ramène sur la glace le concept de « confiance des entraîneur­s ». Deux fois, il parle de « hockey book [livre de hockey] imposé ». Il ne faut pas être devin pour comprendre qu’il souhaite passer un message.

Cette saison, le HC Kloten, où évoluait David Reinbacher, a vu passer pas moins de trois instructeu­rs : Gerry Fleming, Larry Mitchell et Stefan Mair. Offensivem­ent, le défenseur n’a pas particuliè­rement brillé, se contentant d’un seul but et de 11 points en 35 matchs. Lorsqu’on demande à Harald Reinbacher de nous expliquer ce qu’il veut dire par « hockey book imposé », il déballe enfin son sac.

« En Europe, il y a certains entraîneur­s qui t’imposent un livre de jeux, qui te dictent des consignes vraiment strictes. Par exemple, un défenseur ne doit pas appuyer l’attaque. Il doit se limiter à son territoire. Ce genre de choses. Et si tu as le malheur d’essayer quelque chose d’instinctif, on te coupe ton temps de glace, surtout si tu es jeune. J’espère vraiment qu’on ne lui imposera pas ce genre de limites à Laval ou à Montréal. »

« IL SAVAIT TRÈS BIEN CE QU’IL FAISAIT »

David Reinbacher est un jeune homme difficile à cerner, de nature réservée.

Mais une discussion avec son père nous permet de vraiment saisir à quel type de personne nous avons droit. Son père assure qu’il a aussi en lui le côté « méchant » pour rivaliser avec les hommes de la LNH. Le jeune espoir, jure son père, ne fait que choisir ses moments.

« Il y a une très grosse rivalité en Suisse entre Kloten et Zurich. Les joueurs veulent vraiment gagner ces duels. L’an passé, en octobre, les deux équipes se retrouvaie­nt pour une première fois en quatre ans, alors que Kloten venait tout juste de revenir en première division. C’était une grosse, grosse affaire au pays. L’aréna était plein à craquer. »

« En milieu de deuxième, les choses stagnaient. C’était 0 à 0. Et David a jugé que le moment était bien choisi pour allumer un feu [rires]. Il a rejeté la rondelle en zone offensive sur le gardien adverse puis est foncé à toute vitesse vers lui. À la dernière seconde, il a légèrement bifurqué vers sa droite, mais il a quand même “pris soin” d’effleurer le gardien. Il savait très bien ce qu’il faisait [rires] ! Ça a déclenché une bonne mêlée. » Harald Reinbacher, qui a lui-même évolué comme défenseur en Autriche il y a plusieurs années, tient à y aller de deux messages.

PATIENCE AVANT TOUT

D’abord, sur le futur de son fils. Selon lui, David aura besoin d’« une à trois saisons » avant de se sentir à l’aise à 100 %.

« J’ai lu qu’il était le prochain Josi, le prochain Dobson, le prochain qui vous voulez. Mais David fera son propre chemin. Dans quelques années, du haut de la galerie de presse, vous pourrez dire : “il est David Reinbacher et le Canadien a fait un bon choix en optant pour lui”. »

Et aux sceptiques qui n’ont toujours pas accepté la sélection de Reinbacher ?

« Les gens doivent faire confiance à l’équipe de direction en place. Écoute, il y a une raison pour laquelle ce sont ces gens-là qui ont l’emploi ! Ils savent pertinemme­nt ce qu’ils font. Ils ont un plan. C’est la Ligue nationale de hockey ! »

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 ?? PHOTOS D’ARCHIVES MARTIN CHEVALIER, AFP, ET FOURNIES PAR LE CANADIEN DE MONTRÉAL, LES SENATORS DE BELLEVILLE ET MARTIN MEIENBERGE­R/FRESHFOCUS. CAPTURE D’ÉCRAN TIRÉE DE TVA SPORTS ?? 1. À l’été 2023, l’organisati­on du Canadien décide de repêcher, avec son cinquième choix au total, le défenseur droitier autrichien David Reinbacher. 2. Ce dernier a inscrit son premier but en Amérique du Nord lors de son premier match dans l’uniforme du Rocket vendredi dernier. 3. Le père de David a discuté de la nouvelle réalité de son fils avec notre journalist­e. 4. David Reinbacher s’est rapidement démarqué lors des tests physiques, à l’occasion du premier jour du camp des recrues, en septembre dernier.
5. Quelques jours plus tard, il a porté l’uniforme du Canadien lors d’un match préparatoi­re face aux Devils du New Jersey au Centre Bell. 6. Reinbacher qui pose fièrement avec la rondelle de son premier but dans la Ligue américaine. 7. Avant de rejoindre l’organisati­on du Rocket de Laval, le jeune défenseur s’alignait avec le Kloten HC en première division suisse.
PHOTOS D’ARCHIVES MARTIN CHEVALIER, AFP, ET FOURNIES PAR LE CANADIEN DE MONTRÉAL, LES SENATORS DE BELLEVILLE ET MARTIN MEIENBERGE­R/FRESHFOCUS. CAPTURE D’ÉCRAN TIRÉE DE TVA SPORTS 1. À l’été 2023, l’organisati­on du Canadien décide de repêcher, avec son cinquième choix au total, le défenseur droitier autrichien David Reinbacher. 2. Ce dernier a inscrit son premier but en Amérique du Nord lors de son premier match dans l’uniforme du Rocket vendredi dernier. 3. Le père de David a discuté de la nouvelle réalité de son fils avec notre journalist­e. 4. David Reinbacher s’est rapidement démarqué lors des tests physiques, à l’occasion du premier jour du camp des recrues, en septembre dernier. 5. Quelques jours plus tard, il a porté l’uniforme du Canadien lors d’un match préparatoi­re face aux Devils du New Jersey au Centre Bell. 6. Reinbacher qui pose fièrement avec la rondelle de son premier but dans la Ligue américaine. 7. Avant de rejoindre l’organisati­on du Rocket de Laval, le jeune défenseur s’alignait avec le Kloten HC en première division suisse.

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