Le Journal de Montreal

S’intégrer après 29 ans de taule

Un meurtrier raconte comment il est passé de la colère envers tout le monde à un aveu de sa culpabilit­é

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Un homme qui a passé 29 ans en prison pour avoir tué sa femme avec une arbalète raconte son long cheminemen­t carcéral et le choc qu’il a dû surmonter en réintégran­t la société après trois décennies.

« Dans mes premières années derrière les barreaux, j’étais très amer et je pensais que mon sort était injuste, que c’était un coup monté. J’ai appris à accepter que j’étais le seul responsabl­e de ce crime », explique Colin McGregor.

En 1991, l’homme âgé d’une trentaine d’années et alcoolique se trouvait dans une mauvaise passe. Souffrant de douleurs que personne ne pouvait expliquer alors que son mariage battait de l’aile, il relate s’être fait interner dans un hôpital psychiatri­que par sa belle-famille.

En colère contre le monde et dans un « état déséquilib­ré », il s’est retrouvé à errer dans les rues d’Ottawa, après avoir obtenu son congé de l’hôpital. C’est à ce moment qu’il a acheté une arbalète et s’en est pris à sa femme.

« J’avais menacé de m’enlever la vie, mais à l’époque on n’avait pas les mêmes lois qu’aujourd’hui. On ne m’a pas pris au sérieux. Alors j’ai tué ma femme et je me suis rendu aux policiers », confie M. McGregor, racontant son crime pour la première fois depuis son incarcérat­ion.

DES ANNÉES POUR RÉFLÉCHIR

Ce n’est qu’après sa condamnati­on qu’on a découvert que la source de ses douleurs chroniques provenait de sa vésicule biliaire, qu’on a retirée.

Guéri du mal qui l’accablait, il a tenté de faire réduire sa peine auprès de la Cour d’appel, sans succès. Il a passé les 29 années suivantes à réfléchir à l’acte qu’il avait commis.

« C’est une conscienti­sation qui m’a pris des années, mais j’ai décidé de ne pas blâmer les autres et de me regarder dans le miroir. [...] J’ai réfléchi au crime, j’ai commis le crime et je suis coupable », confie-t-il.

C’est à partir de ce moment qu’il a pu faire la paix avec lui-même, rejoignant un groupe d’Alcoolique­s anonymes, renouant avec sa foi et faisant du tutorat auprès de certains détenus.

« J’ai même commencé à écrire sur mes expérience­s en prison dans le magazine communauta­ire Reflet de Société, depuis les murs de la prison. C’est en faisant le bien autour de moi que j’ai pu me sortir du pétrin », indique celui qui a travaillé dans des médias avant son incarcérat­ion.

LA LIBERTÉ... ET LA COVID

Vers la fin de l’année 2020, Colin McGregor a finalement pu obtenir une semi-liberté, durant la première vague de COVID-19. Si cette période a été difficile pour le citoyen lambda, elle lui a permis une transition plus douce avec la société, avant sa libération conditionn­elle totale, en 2022.

TOUS EN PRISON

« Tout le monde devait suivre des règles, ne pas sortir de chez eux... J’étais habitué à être encadré, c’est comme si tout le monde était au pénitencie­r », image l’homme aujourd’hui âgé de 62 ans.

Néanmoins, s’il a eu la chance d’obtenir un poste officiel auprès du magazine Reflet de société et comme intervenan­t au Café Graffiti à sa sortie de prison, son adaptation à la liberté n’a pas été de tout repos.

Alors que tout était fait pour lui lorsqu’il était derrière les barreaux, voilà qu’il devait se faire à manger, se créer de nouvelles fréquentat­ions, aller au travail... Sans parler des technologi­es qui ont évolué à vitesse grand V depuis 30 ans.

« Maintenant, comme je l’ai appris aux Alcoolique­s anonymes, je vis un jour à la fois », conclut M. McGregor.

« DANS MES PREMIÈRES ANNÉES DERRIÈRE LES BARREAUX, J’ÉTAIS TRÈS AMER ET JE PENSAIS QUE MON SORT ÉTAIT INJUSTE, QUE C’ÉTAIT UN COUP MONTÉ. J’AI APPRIS À ACCEPTER QUE J’ÉTAIS LE SEUL RESPONSABL­E DE CE CRIME. »

– Colin McGregor

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PHOTO JOËL LEMAY Le meurtrier réhabilité Colin McGregor travaille maintenant dans les médias, à Montréal.

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