Une nécessité pour la vie urbaine et nos finances municipales
Il est essentiel de reconnaître que le télétravail présente un certain paradoxe : il nous a permis de poursuivre nos activités professionnelles en dépit du confinement lié à la pandémie, tout en ayant redéfini notre rapport au travail. Si le télétravail ponctuel peut offrir quelques avantages, comme une meilleure conciliation travail-famille, il faut maintenant admettre qu’il commence à peser sur la santé des travailleurs, la performance des entreprises, la vitalité de nos centres-villes et les finances publiques.
De récentes études mettent en lumière les effets négatifs du télétravail sur les gens : isolement social et professionnel, stress, insatisfaction croissante due à l’effacement de la frontière entre la vie privée et la vie professionnelle, perte de motivation en raison d’une érosion du sentiment d’appartenance, surcharge de travail dans certains cas, etc.
Autrement dit, si le confinement nous a permis d’apprécier tous les avantages du télétravail, la fin de la pandémie transforme de plus en plus ses avantages en contraintes psycho-professionnelles; les travailleurs sont en train d’y laisser leur santé mentale, étant de moins en moins capables de compenser ses répercussions négatives.
PERTE DE PRODUCTIVITÉ
Les entreprises, les municipalités et le gouvernement sont confrontés à d’importantes pertes de productivité. Déjà en 2020, au plus fort du confinement, Microsoft constatait, par l’entremise d’une vaste enquête auprès de ses employés, que la collaboration entre les équipes de travail était plus ténue et que l’information circulait plus lentement.
Une récente étude de l’Institut de la technologie du Massachusetts estime que la productivité des entreprises est 20 % inférieure par rapport à ce qu’elle était avant la pandémie. Cette baisse de productivité est liée, notamment, à une érosion de la créativité : travailler en présence de ses collègues dans un environnement qui favorise des échanges variés et fluides stimule une créativité qui vient nourrir cette productivité.
En d’autres termes, la perte de productivité des entreprises est en train de tirer vers le bas les revenus fiscaux de l’État. Cette situation est préoccupante, car elle implique une perte de compétitivité d’autant plus inquiétante.
CENTRES-VILLES
Le télétravail a vidé nos centres-villes de leurs travailleurs, ce qui a eu un effet délétère sur leur vitalité commerciale. Non seulement les commerces et les restaurants des centres-villes manifestent des signes de détresses financières en raison de la perte de leur clientèle d’affaires, mais la disparition des travailleurs a également un effet à la baisse sur l’évaluation foncière des tours de bureaux largement inoccupées.
Au sud de la frontière, cette baisse de valeur atteint des creux d’environ 45 %, ce qui ne présage rien de bon pour nos centres-villes. Cette baisse significative des valeurs foncières est sur le point d’avoir un impact sévère sur les finances de nos villes qui n’auront d’autres choix que d’augmenter les taxes foncières sur les immeubles résidentiels dans un effort pour rééquilibrer leur budget.
Le télétravail a des effets multiples dont les répercussions se font sentir à toutes les échelles, des travailleurs aux centres-villes, en passant par les entreprises et les finances municipales. Ses conséquences sont à prendre au sérieux, car nous en paierons tous le prix, directement par des taxes municipales plus élevées ou indirectement par des centres-villes dévitalisés et des individus plus épuisés sur le plan professionnel.
Il est indéniable que le télétravail nous a permis de passer au travers du confinement, mais la pandémie est maintenant derrière nous et il est plus que temps de retourner au bureau pour nous remettre adéquatement au travail ! Isabelle Melançon, présidentedirectrice générale, Institut de développement urbain