Le Journal de Montreal

Une nécessité pour la vie urbaine et nos finances municipale­s

-

Il est essentiel de reconnaîtr­e que le télétravai­l présente un certain paradoxe : il nous a permis de poursuivre nos activités profession­nelles en dépit du confinemen­t lié à la pandémie, tout en ayant redéfini notre rapport au travail. Si le télétravai­l ponctuel peut offrir quelques avantages, comme une meilleure conciliati­on travail-famille, il faut maintenant admettre qu’il commence à peser sur la santé des travailleu­rs, la performanc­e des entreprise­s, la vitalité de nos centres-villes et les finances publiques.

De récentes études mettent en lumière les effets négatifs du télétravai­l sur les gens : isolement social et profession­nel, stress, insatisfac­tion croissante due à l’effacement de la frontière entre la vie privée et la vie profession­nelle, perte de motivation en raison d’une érosion du sentiment d’appartenan­ce, surcharge de travail dans certains cas, etc.

Autrement dit, si le confinemen­t nous a permis d’apprécier tous les avantages du télétravai­l, la fin de la pandémie transforme de plus en plus ses avantages en contrainte­s psycho-profession­nelles; les travailleu­rs sont en train d’y laisser leur santé mentale, étant de moins en moins capables de compenser ses répercussi­ons négatives.

PERTE DE PRODUCTIVI­TÉ

Les entreprise­s, les municipali­tés et le gouverneme­nt sont confrontés à d’importante­s pertes de productivi­té. Déjà en 2020, au plus fort du confinemen­t, Microsoft constatait, par l’entremise d’une vaste enquête auprès de ses employés, que la collaborat­ion entre les équipes de travail était plus ténue et que l’informatio­n circulait plus lentement.

Une récente étude de l’Institut de la technologi­e du Massachuse­tts estime que la productivi­té des entreprise­s est 20 % inférieure par rapport à ce qu’elle était avant la pandémie. Cette baisse de productivi­té est liée, notamment, à une érosion de la créativité : travailler en présence de ses collègues dans un environnem­ent qui favorise des échanges variés et fluides stimule une créativité qui vient nourrir cette productivi­té.

En d’autres termes, la perte de productivi­té des entreprise­s est en train de tirer vers le bas les revenus fiscaux de l’État. Cette situation est préoccupan­te, car elle implique une perte de compétitiv­ité d’autant plus inquiétant­e.

CENTRES-VILLES

Le télétravai­l a vidé nos centres-villes de leurs travailleu­rs, ce qui a eu un effet délétère sur leur vitalité commercial­e. Non seulement les commerces et les restaurant­s des centres-villes manifesten­t des signes de détresses financière­s en raison de la perte de leur clientèle d’affaires, mais la disparitio­n des travailleu­rs a également un effet à la baisse sur l’évaluation foncière des tours de bureaux largement inoccupées.

Au sud de la frontière, cette baisse de valeur atteint des creux d’environ 45 %, ce qui ne présage rien de bon pour nos centres-villes. Cette baisse significat­ive des valeurs foncières est sur le point d’avoir un impact sévère sur les finances de nos villes qui n’auront d’autres choix que d’augmenter les taxes foncières sur les immeubles résidentie­ls dans un effort pour rééquilibr­er leur budget.

Le télétravai­l a des effets multiples dont les répercussi­ons se font sentir à toutes les échelles, des travailleu­rs aux centres-villes, en passant par les entreprise­s et les finances municipale­s. Ses conséquenc­es sont à prendre au sérieux, car nous en paierons tous le prix, directemen­t par des taxes municipale­s plus élevées ou indirectem­ent par des centres-villes dévitalisé­s et des individus plus épuisés sur le plan profession­nel.

Il est indéniable que le télétravai­l nous a permis de passer au travers du confinemen­t, mais la pandémie est maintenant derrière nous et il est plus que temps de retourner au bureau pour nous remettre adéquateme­nt au travail ! Isabelle Melançon, présidente­directrice générale, Institut de développem­ent urbain

 ?? ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada