Le Journal de Montreal

L’éclipse solaire et l’État fatigant

Au départ, comme vous, j’imagine, je trouvais les écoles ridiculeme­nt frileuses de fermer leurs portes pour l’éclipse solaire.

- Chroniqueu­r et journalist­e

Je participai­s avec entrain au déchirage de chemises collectif.

Mais au fur et à mesure que le « sujet » évoluait, qu’on en « apprenait » plus, on comprenait que le problème n’était pas tant les écoles que les consignes contradict­oires du ministère de l’Éducation.

On ouvre, on ferme, on reste à l’intérieur, on va dehors, on met les rideaux, on change les pupitres de bord...

Et je me surprenais à avoir cette réflexion : parfois, l’État est fatigant.

ÉTAT NÉCESSAIRE

Ne vous trompez pas. Je ne suis pas encore libertarie­n. Pas encore un pirate.

L’État est souvent nécessaire. On lui donne parfois la mauvaise réputation d’être un carcan d’inefficaci­té, ce qu’il n’est pas à temps plein.

L’État est nécessaire pour établir certaines règles, certaines contrainte­s, inciter certains comporteme­nts. L’État l’est aussi pour redistribu­er la richesse. Pour éduquer et soigner, de façon la plus égale pour tous.

Pour inciter à changer certains comporteme­nts sur le plan climatique. Pour la promotion de notre culture, la protection de notre langue, pour diminuer les discrimina­tions et assurer l’égalité des sexes.

Un bel exemple de l’État nécessaire, cette semaine.

Ces derniers temps, on a appris toutes sortes d’histoires où des aînés étaient évincés de façon sauvage. Dans une société qui se respecte, il est complèteme­nt anormal qu’une aînée de 68 ans avec un revenu modeste soit mise à la porte d’un logement après y avoir habité quelques années. C’est cruel.

Or, le marché n’a pas d’état d’âme. Il se contrefout de la cruauté. L’État est donc nécessaire pour insuffler de l’empathie, mettre des garde-fous.

Voilà ce que QS a tenté d’accomplir cette semaine : élargir la loi Françoise

David pour renforcer la protection des locataires aînés.

ÉTAT FATIGANT

Or, parfois, les garde-fous deviennent juste fous.

Lorsque le ministère de l’Éducation envoie une note de service aux écoles disant qu’il faut mettre en place « les conditions pour assurer la sécurité des élèves et du personnel » en lien avec l’éclipse solaire, ça me fatigue.

Quand il veut tout contrôler et surprotége­r, l’État devient fatigant.

Comme si les bonzes du ministère de l’Éducation se devaient de tout prévoir, tout faire.

On craint les poursuites de parents, dit-on.

Mais va-t-on réellement éviter de tenir un évènement qui pourrait être un cours de sciences appliquées par la crainte de poursuites ? Faut-il tout annuler au moindre risque que cela peut causer pour l’enfant ?

Je cite l’astronome Pierre Chastenay, dans nos pages : « Ce sont des décisions prises par des avocats plutôt que par des pédagogues ! »

TOUS LES CRIS LES S.O.S.

Le collègue Antoine Robitaille associait cette saga à notre aversion au risque. Il parlait de la société du risque, où règne la prudence absolue.

Imaginez si vous ajoutez la volonté du risque minimal à un État qui se met maladroite­ment les pattes là où il ne devrait pas, vous obtenez la recette parfaite pour la panique totale.

Parlant de panique, savez-vous où se retrouve la page d’informatio­n sur l’éclipse solaire sur le site du gouverneme­nt du Québec ?

Dans la section « Situations d’urgence, sinistres et risques naturels ». Tout est là.

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