L’éclipse solaire et l’État fatigant
Au départ, comme vous, j’imagine, je trouvais les écoles ridiculement frileuses de fermer leurs portes pour l’éclipse solaire.
Je participais avec entrain au déchirage de chemises collectif.
Mais au fur et à mesure que le « sujet » évoluait, qu’on en « apprenait » plus, on comprenait que le problème n’était pas tant les écoles que les consignes contradictoires du ministère de l’Éducation.
On ouvre, on ferme, on reste à l’intérieur, on va dehors, on met les rideaux, on change les pupitres de bord...
Et je me surprenais à avoir cette réflexion : parfois, l’État est fatigant.
ÉTAT NÉCESSAIRE
Ne vous trompez pas. Je ne suis pas encore libertarien. Pas encore un pirate.
L’État est souvent nécessaire. On lui donne parfois la mauvaise réputation d’être un carcan d’inefficacité, ce qu’il n’est pas à temps plein.
L’État est nécessaire pour établir certaines règles, certaines contraintes, inciter certains comportements. L’État l’est aussi pour redistribuer la richesse. Pour éduquer et soigner, de façon la plus égale pour tous.
Pour inciter à changer certains comportements sur le plan climatique. Pour la promotion de notre culture, la protection de notre langue, pour diminuer les discriminations et assurer l’égalité des sexes.
Un bel exemple de l’État nécessaire, cette semaine.
Ces derniers temps, on a appris toutes sortes d’histoires où des aînés étaient évincés de façon sauvage. Dans une société qui se respecte, il est complètement anormal qu’une aînée de 68 ans avec un revenu modeste soit mise à la porte d’un logement après y avoir habité quelques années. C’est cruel.
Or, le marché n’a pas d’état d’âme. Il se contrefout de la cruauté. L’État est donc nécessaire pour insuffler de l’empathie, mettre des garde-fous.
Voilà ce que QS a tenté d’accomplir cette semaine : élargir la loi Françoise
David pour renforcer la protection des locataires aînés.
ÉTAT FATIGANT
Or, parfois, les garde-fous deviennent juste fous.
Lorsque le ministère de l’Éducation envoie une note de service aux écoles disant qu’il faut mettre en place « les conditions pour assurer la sécurité des élèves et du personnel » en lien avec l’éclipse solaire, ça me fatigue.
Quand il veut tout contrôler et surprotéger, l’État devient fatigant.
Comme si les bonzes du ministère de l’Éducation se devaient de tout prévoir, tout faire.
On craint les poursuites de parents, dit-on.
Mais va-t-on réellement éviter de tenir un évènement qui pourrait être un cours de sciences appliquées par la crainte de poursuites ? Faut-il tout annuler au moindre risque que cela peut causer pour l’enfant ?
Je cite l’astronome Pierre Chastenay, dans nos pages : « Ce sont des décisions prises par des avocats plutôt que par des pédagogues ! »
TOUS LES CRIS LES S.O.S.
Le collègue Antoine Robitaille associait cette saga à notre aversion au risque. Il parlait de la société du risque, où règne la prudence absolue.
Imaginez si vous ajoutez la volonté du risque minimal à un État qui se met maladroitement les pattes là où il ne devrait pas, vous obtenez la recette parfaite pour la panique totale.
Parlant de panique, savez-vous où se retrouve la page d’information sur l’éclipse solaire sur le site du gouvernement du Québec ?
Dans la section « Situations d’urgence, sinistres et risques naturels ». Tout est là.