Pourquoi n’avez-vous plus les moyens de vous acheter une maison ?
Il y a cinq ans, vous aviez les moyens de vous acheter une maison. Aujourd’hui, votre projet est devenu impossible. Pourquoi ? Voici cinq éléments qui peuvent expliquer ce revirement.
Des demandes de logement qui explosent
En 2023, selon Statistique Canada, la population du pays a crû de 3,2 %, la plus forte hausse depuis 1958. Sa population croît à un tel rythme – le Canada a accueilli 1 271 872 immigrants et résidents non permanents l’an dernier, dont 218 000 au Québec – que l’industrie de la construction peine à répondre à la cadence. Même si Québec continue de sous-estimer l’ampleur de la pénurie du logement en cours partout dans la province, cette crise existe avec toutes les conséquences sociales et économiques graves qui l’accompagnent. Selon l’Institut du Québec, la province compte actuellement 59 820 travailleurs étrangers temporaires et prévient que l’ajout de plus d’entre eux pourrait commencer à exercer une influence négative sur les salaires de la population locale. Récemment, malgré les protestations du patronat, Ottawa a annoncé son intention d’imposer une réduction de leur nombre dans les prochaines années. En attendant, les experts estiment que cette croissance rapide de la population, qu’elle soit permanente ou temporaire, contribue au problème actuel de pénurie de logements et de forte inflation observée sur les prix.
Les boomers s’accrochent et ne vendent plus
Il fut un temps où tous les prévisionnistes prévoyaient qu’une fois arrivés à l’âge de la retraite, les propriétaires de la génération du baby-boom vendraient massivement leur maison pour déménager dans des logements plus petits et plus proches des services que leur offrent les villes centres, plus densément peuplées. Or, les spécialistes admettent aujourd’hui qu’il n’en fut rien et qu’au contraire de ce que l’on croyait au début des années 1990, la proportion des 75 ans et plus qui choisissent de vendre leur maison à la génération plus jeune décline constamment depuis 30 ans. Aujourd’hui, à peine 20 % d’entre eux le font. Selon la SCHL, la majorité attend maintenant les 80 et 90 ans d’âge avant même de considérer s’établir en appartement ou en résidence, réduisant ainsi le bassin de maisons disponibles anticipé.
Des prix qui ne baissent pas, au contraire
Plombée par des taux hypothécaires maintenus à des niveaux inchangés depuis l’été 2023, l’activité résidentielle aura, pour une troisième année consécutive, fortement diminué dans la province. L’Association professionnelle des courtiers immobiliers du Québec (APCIQ) parle d’un recul en 2023 de 13 % par rapport à 2022, année qui avait aussi enregistré une diminution des transactions de 20 % par rapport à 2021. Dans le grand Montréal, la même tendance s’est imposée, quoiqu’avec encore plus d’intensité : le nombre de transactions a diminué de 15 % par rapport à 2022 et de pas moins de 35 % par rapport à son sommet de 2020. Cela dit, malgré des délais de vente plus longs, le faible inventaire de propriétés a fait en sorte que les prix des résidences disponibles ont continué de croître. Au Québec, le prix médian d’une résidence unifamiliale s’établit aujourd’hui à 438 000 $, une progression de 37 % depuis février 2020. Dans la grande région de Montréal, la médiane est de 550 000 $ pour l’unifamiliale et de 395 000 $ pour le condo, des hausses respectives de 53 % et 43 % comparativement à février 2020.
Des taux hypothécaires toujours élevés
C’est là une évidence. En haussant son taux directeur à dix reprises entre mars 2022 et juillet 2023, le gouverneur de la Banque du Canada (BdC), Tiff Macklem, a réussi à jeter une douche froide sur un marché immobilier qui s’était enflammé. La dernière hausse a porté son taux officiel d’escompte à 5,25 % et le taux hypothécaire des six principales banques canadiennes à des niveaux qui varient, selon les termes et l’institution choisie, de 5,59 % à aisément plus de 7 %. À de tels taux, les aspirants acheteurs peinent à se qualifier pour le financement de leur projet d’acquisition, gonflant ainsi la pression (et les prix) sur le marché de l’habitation locative. À l’opposé, ceux qui sont déjà titulaires d’une hypothèque signée à des taux de moins de 2 % comme avant la pandémie se voient condamnés à assumer de fortes hausses de leurs versements mensuels dès lors que leur hypothèque arrivera à échéance. À quand un retour du balancier de la BdC ? Nul ne sait précisément, même si la plupart des experts anticipent l’amorce d’un début de lente détente en 2024.
Des loyers en forte hausse incitent à l’achat
Le déséquilibre entre l’offre et la demande continue de rendre la vie dure aux locataires, de plus en plus nombreux à se tirailler pour un même bassin d’appartements à louer. Tandis que les taux d’inoccupation des logements locatifs flirtent avec des niveaux planchers de 1 % à 1,5 % dans de nombreuses régions du Québec, les prix des loyers explosent à des niveaux qu’on n’avait encore jamais vus ou même imaginés dans le passé. À Montréal, le prix moyen des loyers a augmenté de 14 %, tandis qu’à Québec, il a augmenté de 19 % par rapport à 2023, selon le Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec. Et ce n’est pas fini ; la Société canadienne d’hypothèque et de logement (SCHL) prévoit que le loyer d’un logement de deux chambres (un 4 et demi) à Montréal augmentera de 10 % en 2024 pour atteindre une moyenne de 1230 $ par mois, ou 14 760 $ par année. Ces fortes augmentations sur le marché locatif auraient pour conséquence d’inciter certains locataires à se lancer à leur tour dans la recherche d’une propriété à acheter, amplifiant ainsi la demande (et les prix) sur les marchés du neuf et de la revente.