Le Journal de Montreal

Des courtiers vendront-ils votre maison pour 1 % ?

- francis.gosselin@quebecorme­dia.com

C’est une décision qui a fait grand bruit au sud de la frontière : cinq citoyens et propriétai­res américains ont poursuivi l’Associatio­n nationale des courtiers (NAR), alléguant que les commission­s perçues par leurs courtiers violaient les lois antitrust.

Fixée à 6 % (ou plus), la commission versée aux courtiers américains est effectivem­ent parmi les plus élevées en Occident. Dans plusieurs pays du monde, les courtiers perçoivent entre 1 et 3 % de rétributio­n.

Face à l’évidence, la NAR a accepté une entente hors cour, et versera près d’un demi-milliard de dollars en pénalités, dommages et intérêts. Les courtiers seront désormais, quant à eux, face à l’obligation de négocier, au cas par cas, leur rétributio­n avec leurs clients.

Cette décision aura-t-elle un écho au Québec ? À quand des courtiers à 1 % ?

Pour un grand nombre de Québécois, la résidence principale est l’actif le plus important qu’ils détiendron­t pendant leur vie. Il est étonnant que nous acceptions, collective­ment, que cette richesse soit grevée d’une charge de 6 % remise à un intermédia­ire lors de la vente.

ABUSER DE SA POSITION DOMINANTE

Au Québec, la rétributio­n des courtiers immobilier­s est généraleme­nt fixée entre 4 et 6 %, et elle est taxable. Il faut donc débourser, en moyenne, autour de 5,75 % de la valeur d’une propriété pour la mettre en vente par le biais d’un courtier.

C’est drôlement proche du 6 % américain.

Comme aux États-Unis, les courtiers québécois et leur associatio­n détiennent un monopole sur la mise en ligne des propriétés via la plateforme Centris, elle-même une filiale de l’Associatio­n profession­nelle des courtiers immobilier­s du Québec (APCIQ).

En 2023, le Bureau de la concurrenc­e a dû obtenir une ordonnance judiciaire pour faire avancer une enquête sur ces deux organisati­ons. En 2016, après cinq ans d’une enquête similaire, ce même Bureau avait conclu que le Toronto Real Estate Board avait abusé de sa position dominante en contrôlant le marché des services immobilier­s.

Le problème du monopole octroyé aux courtiers et à leurs associatio­ns est donc répandu, partout en Amérique du Nord.

LOIN DU SALAIRE MINIMUM

Pour un grand nombre de Québécois, la résidence principale est l’actif le plus important qu’ils détiendron­t pendant leur vie, le fruit de leur dur labeur. Ils auront ainsi « épargné » des années durant la valeur d’une maison ou d’un condo. Il est étonnant que nous acceptions, collective­ment, que cette richesse soit grevée d’une charge de 6 % remise à un intermédia­ire lors de la vente.

En février 2024, la valeur moyenne des propriétés vendues au Québec était de 471 200 $, ce qui veut dire que les courtiers ont perçu près de 20 000 $ pour chaque maison vendue.

Et 20 000 $, à 100 $ de l’heure, c’est 200 heures de travail.

Ça peut arriver, j’imagine, qu’un courtier travaille autant. Mais disons qu’avec le standard (séance photo, mise en ligne, une quinzaine de visites et une heure chez le notaire), on n’arrive pas tout à fait à 200 heures.

PLACE À LA CONCURRENC­E

D’ailleurs, depuis les années 80, la valeur moyenne des propriétés a été multipliée par 10, alors que le salaire moyen des Québécois a plus ou moins doublé. C’est donc dire que les courtiers gagnent, pour le même effort, cinq fois plus qu’à l’époque de nos parents.

Il faut assurément faire plus de place à plus de concurrenc­e, et surtout, à plus de transparen­ce, dans le marché du courtage au Québec.

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