Le Journal de Montreal

Il gravit l’Aconcagua au pas de course

Un athlète de Stoneham est le premier Canadien à monter le plus haut sommet d’Amérique du Sud d’un seul trait

- STÉPHANE CADORETTE

Les randonneur­s qui s’aventurent en Argentine pour faire l’ascension de l’Aconcagua mettent généraleme­nt de 14 à 18 jours pour y arriver. Gabriel Lemieux a choisi de se taper les 4200 mètres de dénivelé positif d’un seul trait à la course, en 28 heures, devenant ainsi le premier Canadien à réaliser l’exploit.

L’Aconcagua n’a rien d’une petite balade du dimanche en montagne. À 13 kilomètres de la frontière chilienne, le monstre se dresse à 6961 mètres d’altitude, ce qui en fait le plus haut sommet du monde à l’exception de l’Everest, dans la chaîne himalayenn­e.

Ce n’est pas par hasard que l’Aconcagua est surnommé le « colosse de l’Amérique » et que ceux qui bravent les lieux le font à leurs risques et périls. L’an dernier, trois décès ont été répertorié­s et de nombreux alpinistes en détresse ont été sauvés.

UN PHÉNOMÈNE RARE

Du 27 au 29 janvier derniers, Gabriel Lemieux a donc entamé le périple à la base, à partir du parc de Horcones. Pas moins de 5000 permis d’ascension ont été accordés dans la dernière année, mais seulement trois sont partis de ce point et Lemieux est le seul à avoir réussi l’aller-retour complet.

« Le grand défi, c’est que je le faisais à la course sans arrêter. Ce n’est vraiment pas commun parce qu’habituelle­ment en altitude, on le fait en paliers pour permettre à notre corps de s’acclimater. Dans mon projet, je renversais cette tendance en le faisant d’un seul coup.

« On parle de 73 kilomètres, donc le défi était très extrême. Il y a peu de gens à travers le monde qui l’ont fait et qui l’ont réussi », s’est exprimé l’athlète de 30 ans de Stoneham-et-Tewkesbury.

UN NOUVEL INITIÉ

Celui qui est adepte d’alpinisme depuis une dizaine d’années montrait déjà un CV bien garni en matière de montagnes conquises. C’est toutefois une tout autre chose que de les attaquer en course en altitude (skyrunning).

Surtout que Gabriel Lemieux s’est adonné à la course pour la première fois pendant la pandémie en 2020, à la base pour se changer les idées.

« Une personne proche de moi m’a amené courir à Stoneham en sentiers.

J’ai eu une révélation, j’aimais tellement cette connexion avec la nature, mais 10 kilomètres je trouvais ça pénible », a raconté celui qui a néanmoins complété un premier marathon en sentiers en novembre 2020, dans le parc des Appalaches.

DES ÉMOTIONS FORTES

Rapidement, le nouveau coureur en altitude s’est amouraché de cette discipline, au point de procéder à l’ascension rapide du Llullailla­co, un volcan en Argentine de 6739 mètres, en 2022. Les germes d’exploits à venir étaient semés.

Même s’il dit qu’il ne se considère pas comme un athlète d’élite et qu’il ressent souvent le syndrome de l’imposteur, Gabriel Lemieux a mis sur pied une préparatio­n d’enfer avant de se mesurer à l’Aconcagua.

Pendant un mois, il a dormi dans une tente hypoxique, dans laquelle le taux d’oxygène est maintenu aussi bas qu’en haute altitude. Puis, du 23 novembre au 27 décembre, il a peaufiné son entraîneme­nt de course en altitude dans différente­s montagnes de l’Équateur.

Après un début d’expédition agréable lors des premières heures sur l’Aconcagua, les rafales de 60 km/h ainsi que la neige ont dangereuse­ment compliqué son parcours, mais le travail en amont a fait la différence.

« Quand je suis arrivé au sommet, je me suis mis à pleurer. J’étais dans toutes les émotions possibles en pensant à tout le travail, la discipline et les sacrifices pour me rendre là.

« Il n’y a pas tant d’expertise au Québec pour ce genre de défi parce que c’est un renverseme­nt de tendance de courir en haute altitude. Ce que je veux dire au monde c’est qu’à la base, je suis juste un tripeux de plein air. Le dépassemen­t de soi, c’est le plus beau moteur de développem­ent d’un individu. »

VERS LES SEPT SOMMETS

Maintenant qu’il a coché le plus haut sommet de l’Amérique du Sud dans sa liste, Lemieux entend s’attaquer aux sept sommets à la course (voir tableau ci-contre), rien de moins. Il s’agit des plus hautes montagnes sur chaque continent.

Il avait notamment promis à sa mère d’atteindre un jour le sommet de l’Everest, avant son décès.

« En se fixant des objectifs, si on met les efforts, qu’on a une bonne discipline et qu’on sait bien s’entourer, tout est possible dans la vie. »

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1. Everest | 8849 mètres | Asie
2. Aconcagua | 6961 mètres | Amérique du Sud
3. Denali | 6190 mètres | Amérique du Nord
4. Kilimandja­ro | 5892 mètres | Afrique
5. Elbrouz | 5642 mètres | Europe
6. Massif Vinson | 4892 mètres | Antarctiqu­e
7. Puncak Jaya | 4884 mètres | Océanie
LES SEPT SOMMETS 1. Everest | 8849 mètres | Asie 2. Aconcagua | 6961 mètres | Amérique du Sud 3. Denali | 6190 mètres | Amérique du Nord 4. Kilimandja­ro | 5892 mètres | Afrique 5. Elbrouz | 5642 mètres | Europe 6. Massif Vinson | 4892 mètres | Antarctiqu­e 7. Puncak Jaya | 4884 mètres | Océanie
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 ?? PHOTOS FOURNIES PAR GABRIEL LEMIEUX ?? Gabriel Lemieux a eu besoin de puiser au fond de lui-même pour gravir l’Aconcagua au pas de course.
PHOTOS FOURNIES PAR GABRIEL LEMIEUX Gabriel Lemieux a eu besoin de puiser au fond de lui-même pour gravir l’Aconcagua au pas de course.
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Ce n’est pas peu fier que le coureur québécois a atteint le sommet pour voir sa performanc­e homologuée.

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