Il gravit l’Aconcagua au pas de course
Un athlète de Stoneham est le premier Canadien à monter le plus haut sommet d’Amérique du Sud d’un seul trait
Les randonneurs qui s’aventurent en Argentine pour faire l’ascension de l’Aconcagua mettent généralement de 14 à 18 jours pour y arriver. Gabriel Lemieux a choisi de se taper les 4200 mètres de dénivelé positif d’un seul trait à la course, en 28 heures, devenant ainsi le premier Canadien à réaliser l’exploit.
L’Aconcagua n’a rien d’une petite balade du dimanche en montagne. À 13 kilomètres de la frontière chilienne, le monstre se dresse à 6961 mètres d’altitude, ce qui en fait le plus haut sommet du monde à l’exception de l’Everest, dans la chaîne himalayenne.
Ce n’est pas par hasard que l’Aconcagua est surnommé le « colosse de l’Amérique » et que ceux qui bravent les lieux le font à leurs risques et périls. L’an dernier, trois décès ont été répertoriés et de nombreux alpinistes en détresse ont été sauvés.
UN PHÉNOMÈNE RARE
Du 27 au 29 janvier derniers, Gabriel Lemieux a donc entamé le périple à la base, à partir du parc de Horcones. Pas moins de 5000 permis d’ascension ont été accordés dans la dernière année, mais seulement trois sont partis de ce point et Lemieux est le seul à avoir réussi l’aller-retour complet.
« Le grand défi, c’est que je le faisais à la course sans arrêter. Ce n’est vraiment pas commun parce qu’habituellement en altitude, on le fait en paliers pour permettre à notre corps de s’acclimater. Dans mon projet, je renversais cette tendance en le faisant d’un seul coup.
« On parle de 73 kilomètres, donc le défi était très extrême. Il y a peu de gens à travers le monde qui l’ont fait et qui l’ont réussi », s’est exprimé l’athlète de 30 ans de Stoneham-et-Tewkesbury.
UN NOUVEL INITIÉ
Celui qui est adepte d’alpinisme depuis une dizaine d’années montrait déjà un CV bien garni en matière de montagnes conquises. C’est toutefois une tout autre chose que de les attaquer en course en altitude (skyrunning).
Surtout que Gabriel Lemieux s’est adonné à la course pour la première fois pendant la pandémie en 2020, à la base pour se changer les idées.
« Une personne proche de moi m’a amené courir à Stoneham en sentiers.
J’ai eu une révélation, j’aimais tellement cette connexion avec la nature, mais 10 kilomètres je trouvais ça pénible », a raconté celui qui a néanmoins complété un premier marathon en sentiers en novembre 2020, dans le parc des Appalaches.
DES ÉMOTIONS FORTES
Rapidement, le nouveau coureur en altitude s’est amouraché de cette discipline, au point de procéder à l’ascension rapide du Llullaillaco, un volcan en Argentine de 6739 mètres, en 2022. Les germes d’exploits à venir étaient semés.
Même s’il dit qu’il ne se considère pas comme un athlète d’élite et qu’il ressent souvent le syndrome de l’imposteur, Gabriel Lemieux a mis sur pied une préparation d’enfer avant de se mesurer à l’Aconcagua.
Pendant un mois, il a dormi dans une tente hypoxique, dans laquelle le taux d’oxygène est maintenu aussi bas qu’en haute altitude. Puis, du 23 novembre au 27 décembre, il a peaufiné son entraînement de course en altitude dans différentes montagnes de l’Équateur.
Après un début d’expédition agréable lors des premières heures sur l’Aconcagua, les rafales de 60 km/h ainsi que la neige ont dangereusement compliqué son parcours, mais le travail en amont a fait la différence.
« Quand je suis arrivé au sommet, je me suis mis à pleurer. J’étais dans toutes les émotions possibles en pensant à tout le travail, la discipline et les sacrifices pour me rendre là.
« Il n’y a pas tant d’expertise au Québec pour ce genre de défi parce que c’est un renversement de tendance de courir en haute altitude. Ce que je veux dire au monde c’est qu’à la base, je suis juste un tripeux de plein air. Le dépassement de soi, c’est le plus beau moteur de développement d’un individu. »
VERS LES SEPT SOMMETS
Maintenant qu’il a coché le plus haut sommet de l’Amérique du Sud dans sa liste, Lemieux entend s’attaquer aux sept sommets à la course (voir tableau ci-contre), rien de moins. Il s’agit des plus hautes montagnes sur chaque continent.
Il avait notamment promis à sa mère d’atteindre un jour le sommet de l’Everest, avant son décès.
« En se fixant des objectifs, si on met les efforts, qu’on a une bonne discipline et qu’on sait bien s’entourer, tout est possible dans la vie. »