Un « oiseau rare » apprécié s’éteint
L’ex-ministre libéral Benoît Pelletier, 64 ans, était un fédéraliste convaincu et un ardent défenseur du Québec
Autant un fédéraliste convaincu qu’un grand défenseur du Québec, Benoît Pelletier a droit à une pluie d’hommages à la suite de son décès, lui qui, durant sa carrière politique – et même après –, a su travailler à l’essor de la nation.
Benoît Pelletier est décédé samedi au Mexique à l’âge de 64 ans de causes qui n’ont pas été révélées. En 2021, il avait été sévèrement touché par la COVID.
« C’est une terrible nouvelle qui nous a pris par surprise. Mais ensuite on passe à toutes les choses qu’il a faites pour le Québec. C’était un oiseau rare. Dans tous les milieux que je fréquente, j’entendais que le Québec avait besoin de plus de Benoît Pelletier », lance Patrick Taillon, constitutionnaliste et professeur de droit à l’Université Laval.
Il souligne aussi que M. Pelletier était très au-dessus des jeux partisans. Pour lui, les intérêts du Québec étaient plus importants que les chicanes entre les partis.
LE POIDS DU QUÉBEC
En entrevue au Journal l’année dernière, M. Pelletier avait vivement réagi aux recommandations du groupe de pression l’Initiative du siècle.
Ce dernier suggérait de porter à 100 millions la population du Canada en 2100 pour « assurer notre prospérité à long terme ».
« Je pense que les acteurs fédéraux, en bonne partie, sont obnubilés par les chiffres et oublient la francité, oublient l’importance que la langue française conserve son statut au Canada, oublient l’importance finalement d’aider le français dans ce pays […] Je pense que la baisse du poids du Québec à l’intérieur du Canada, c’est un phénomène irréversible », avait déclaré Benoît Pelletier.
« Benoît assumait son attachement au Canada, mais il était capable de nommer les problèmes et disait qu’il allait travailler à les atténuer », avance M. Taillon.
« Il ne se mettait jamais la tête dans le sable devant les dysfonctionnements du fédéralisme canadien. Sa réaction à l’Initiative du siècle en est un exemple. Le pouvoir du gouvernement fédéral de dépenser était aussi un de ses grands combats », ajoute-t-il.
TOUJOURS PRÉSENT
Benoît Pelletier n’a pas tourné le dos au service public à son retrait de la vie politique en 2008.
« C’est un grand Québécois qui a servi le Québec durant de nombreuses années, mais aussi après la politique. Peu importe les partis, il était toujours disponible pour des conseils, pour des avis. Les Québécois lui doivent énormément », assure Simon Jolin-Barrette, actuel ministre de la Justice du gouvernement de la CAQ.
M. Jolin-Barrette l’a d’ailleurs lui-même consulté pour les lois 21 (laïcité) et 96 (langue française).
Et lorsque le premier ministre Stephen Harper a fait adopter en 2006 sa motion aux Communes que le Québec forme une nation au sein du Canada uni, il y avait du Benoît Pelletier là-dessous.
« C’est lui qui travaillait derrière les rideaux avec le gouvernement Harper. C’est le premier à avoir fait reconnaître par les Communes l’existence du Québec comme une nation », conclut le ministre Jolin-Barrette.