Le Journal de Montreal

Les propriétai­res s’enrichisse­nt et les locataires s’appauvriss­ent

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Au cours des 30 dernières années, l’accession à la propriété a permis aux ménages d’amasser près de la moitié de leur patrimoine, et ce, grâce à l’appréciati­on de la valeur des propriétés.

Mais aujourd’hui, l’accession à la propriété n’a jamais été aussi ardue, comme le soulignait Le Journal samedi.

Par ailleurs, selon une étude de la Banque Royale réalisée par l’économiste Carrie Freestone, « plus de deux tiers (68 %) des ménages canadiens ne peuvent pas se permettre d’acheter une maison avec leurs salaires seulement ».

Avec la hausse généralisé­e des loyers au Canada, les locataires sont aujourd’hui contraints de consacrer « une beaucoup plus grande partie de leur salaire net aux frais de logement » que les propriétai­res. C’est pourquoi nombre de locataires ont de faibles perspectiv­es d’accéder au marché du logement vu le peu d’économies qu’ils peuvent consacrer à une mise de fonds pour acquérir une propriété.

RÊVE LOINTAIN

Selon l’étude de RBC, les locataires, collective­ment parlant, sont aujourd’hui contraints de vivre au-dessus de leurs moyens. Ils ont plus de peine « à joindre les deux bouts » que les propriétai­res. C’est pourquoi l’accès à la propriété, pour eux, est un rêve paraissant très lointain.

« La constituti­on de patrimoine par les locataires est ainsi compromise, et pourrait ainsi exacerber les inégalités dans le long terme », souligne l’économiste Freestone.

Pour vous montrer comment l’accession à la propriété s’est avérée très rentable pour les propriétai­res, sachez que ces derniers ont vu la valeur nette du patrimoine croître de 9 à 13 fois la valeur du revenu disponible de leur ménage depuis le quatrième trimestre de 2010.

Et pendant cette même période, la valeur nette du patrimoine des locataires n’a augmenté que de 3 à 3,5 fois de leur revenu disponible.

LE RÉPIT PANDÉMIQUE

Lors de la pandémie, les généreux programmes d’aide financière mis de l’avant par le gouverneme­nt de Justin Trudeau, combinés avec la diminution sensible des dépenses de consommati­on en raison de la fermeture des activités, ont permis aux locataires d’économiser quasi autant que les propriétai­res.

Du côté des locataires, l’épargne nette en pourcentag­e du revenu disponible de leur ménage a atteint 22 % au deuxième trimestre de 2020, soit un taux à peine inférieur à celui de 24 % atteint par les propriétai­res. De la période précédant la pandémie jusqu’au deuxième trimestre de 2023, la valeur nette du patrimoine a augmenté de 34 % pour les propriétai­res et de 23 % pour les locataires (sans actifs immobilier­s).

Mais le troisième trimestre de 2023 a marqué un tournant alors que les propriétai­res et les locataires ont vu leur patrimoine net diminuer. Malheureus­ement, les locataires ont été plus durement touchés que les propriétai­res.

« Dans l’ensemble, les locataires ont dépensé près de 9 % de plus que le revenu disponible de leur ménage en 2023, alors que les propriétai­res ont épargné 7 % de leur salaire net », précise-t-on dans l’étude de RBC.

LA TRISTE RÉALITÉ

Bien que depuis la fin des années 1990, les revenus des locataires aient augmenté au même rythme que ceux des propriétai­res, la part du revenu que les locataires doivent consacrer au logement a augmenté plus fortement.

En 1999, les locataires affectaien­t environ 25 % de leur salaire net à se loger, à comparer à 23 % pour les propriétai­res. En 2022, les locataires devaient accorder 29 % de leur salaire net au logement, contre 21 % pour les propriétai­res.

Et avec la hausse des loyers et les taux d’intérêt élevés, la situation va empirer au fil des prochaines années.

Non seulement les locataires épargneron­t moins, mais en plus, le prix des propriétés va continuer d’augmenter et les taux hypothécai­res risquent de rester élevés plus longtemps que prévu. Comme quoi l’accession à la propriété s’avère maintenant un tour de force !

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