Justin Trudeau, un danger pour le fédéralisme
L’étourdissante tournée prébudgétaire de Justin Trudeau, si ce dernier était un chanteur rock, pourrait s’intituler « Les invasions barbares ».
Tous les jours d’ici la présentation de son budget le 16 avril, le chef libéral entend annoncer des milliards de dollars (à crédit !) qu’il promet de déverser sur des problèmes ne relevant aucunement de sa compétence : nourriture pour les enfants à l’école, habitation, etc.
Les vannes sont ouvertes comme jamais. Ça en devient grossier.
FÉDÉRALISME QUÉBÉCOIS
Il y a là violation d’un principe constitutionnel canadien fondamental : le partage des pouvoirs. Ce même partage (quel palier est responsable de quoi dans le dominion) n’est pas toujours très clair, ayant été établi en 1867.
Certains domaines, comme la santé et l’éducation, constituent toutefois des compétences explicitement exclusives des provinces.
Dans le ROC (rest of Canada), on dirait qu’en général, on s’en fout. Peu importe les textes constitutionnels, Ottawa est considéré comme le gouvernement « national » à qui il revient de trouver des solutions aux problèmes de la nation.
Pour une majorité de Québécois, le gouvernement national est à Québec. D’où l’attachement de tous les partis (à part peut-être QS) à ce principe fédératif voulant que chaque palier doive agir dans ses compétences particulières.
En 2015, Justin Trudeau ne promettait pas autre chose, dans une lettre au PM d’alors, Philippe Couillard : « Les défis auxquels nous faisons face ne peuvent être résolus uniquement à partir d’Ottawa. Ils exigent […] une vision fédérale qui respecte les compétences du Québec et de toutes les provinces ».
ABUS DE DÉPENSES
Neuf ans plus tard, Justin Trudeau, dans l’espoir de rester au pouvoir, viole allègrement sa promesse et abuse du « pouvoir de dépenser » qu’Ottawa considère comme « illimité ».
Pendant ce temps, ses compétences les plus claires sont-elles suffisamment financées ? Frontières, armées, réglementation des communications, etc. Poser la question…
Trudeau père aussi, à la tête de l’État fédéral, abusa du pouvoir fédéral de dépenser. Il l’avait pourtant dénoncé, en 1957, avant d’entrer en politique : « Aucun gouvernement n’a — pour cette partie du bien commun qui ne relève pas de lui — un droit de regard sur l’administration des autres », écrivait-il dans un rare appui à Duplessis qui pourfendait « les octrois fédéraux aux universités ».
Stephen Harper avait promis en 2005 de circonscrire ce pouvoir démesuré qui, selon ses propres mots, avait « donné naissance à un fédéralisme dominateur […] paternaliste » devenu « une menace sérieuse pour l’avenir de notre fédération » ! Il échouera.
Par son discours et ses projets en logement, Pierre Poilievre semble bien loin de la philosophie fédéraliste de son prédécesseur.
RENVOI
Qu’est-ce que Québec peut faire devant cette spirale de « défédéralisation » du Canada ? (Un terme employé par le spécialiste du « pouvoir de dépenser », le juriste Marc-André Turcotte.)
Devrait-il poser officiellement (Turcotte le suggère dans un livre) la question suivante à la Cour d’appel : « Est-ce qu’un pouvoir fédéral de dépenser est compatible avec la nature fédérative de l’ordre constitutionnel canadien ? »
Risqué, assurément, compte tenu du fait que le fédéral nomme les juges. Mais c’est peut-être un beau risque.