L’inversion des valeurs et le récit du criminel angélique
Je vous parle ici d’un article paru dans La Presse qui a suscité un vrai malaise.
On y parlait d’un jeune homme de 14 ans, Medhi Moussaoui qui, avec un comparse de 16 ans, a tiré à l’arme à feu sur des automobilistes. Il était, selon les sources policières citées par La Presse, dans une voiture volée. Il a été poursuivi par la police, avant de s’écraser sur un arbre et de mourir, avec son comparse.
Tout cela, vous l’apprendrez dans le premier paragraphe.
Puis vous n’apprendrez plus rien.
TRAGIQUE
Sinon que le jeune voyou de 14 ans qui a ouvert le feu sur des gens de manière aléatoire était en fait, à sa manière, un petit ange, et que sa mort a suscité une immense tristesse chez ses parents. On a appris ailleurs que ses parents veulent l’enterrer en Algérie.
C’est évidemment une mort tragique : la mort d’un adolescent l’est toujours.
Mais dans les circonstances, l’article est d’une complaisance effrayante.
On nous raconte le récit d’un enfant tendre, gentil, poli. Un enfant qui a ouvert le feu sur des passants de manière aléatoire, je me sens obligé de rappeler ici. Ce n’est pas un détail, non ?
La Presse ajoute : « Un enfant qui pourrait être le fils de n’importe qui ».
C’est faux. Ils sont nombreux aujourd’hui à sombrer dans la criminalité en jeune âge, mais dire qu’il s’agit
« d’un enfant qui pourrait être le fils de n’importe qui » est une généralisation abusive.
C’est aussi une manière de se déresponsabiliser et de faire porter au hasard ou à la société le triste sort de Medhi Moussaoui.
La Presse est à deux doigts de nous dire que le jeune homme aura finalement été une victime, sans tenir compte un instant du fait qu’il aurait pu faire des victimes en tirant sur elles.
Nazar Saaty, un avocat bénévole à l’Association de la sépulture musulmane du Québec, affirme dans l’article que « si un jeune qui pourrait être leur fils a connu cette fin, c’est que nous, en tant que société, on a échoué ».
DÉRESPONSABILISATION
Que M. Saaty me permette, en tant que membre de cette société, de ne pas me juger responsable de ce qu’a fait ce jeune homme. La responsabilité est d’abord individuelle. Elle est ensuite familiale, et peut-être communautaire, si on tient à tout prix à la diluer.
Mais blâmer le monde dans son ensemble pour ses malheurs personnels est une faute intellectuelle et morale.
Je note que c’est une faute commise aussi par La Presse, qui reprend à son compte cette vision, quitte à le faire en y ajoutant des nuances.
Il suffit de se promener un peu dans les réseaux sociaux pour voir surgir l’accusation de racisme systémique. Encore.
Je le redis : la mort d’un gamin de 14 ans est toujours tragique.
Mais le traitement médiatique qu’on en fait à l’occasion témoigne d’une grave inversion des valeurs.