Le Journal de Montreal

Et si le CH disait non à Hutson ?

- Jean-nicolas.blanchet@quebecorme­dia.com

Comme c’est rendu coutume et même banal, le Canadien risque de se prosterner devant un joueur qui n’a jamais joué un match au niveau profession­nel.

Tout indique que le Canadien offrira un contrat à Lane Hutson et qu’il viendra jouer au moins un match sans importance dans la LNH après les séries finales de la NCAA, à partir du 13 avril.

En jouant une partie avec le Canadien, Hutson brûlera une année de contrat et réduira de 12 mois la période avant son autonomie. Bref, ce moment où il risque de passer de riche à très, très riche.

C’est devenu la norme pour les bons espoirs de la NCAA.

Ce sont eux qui ont le gros bout du bâton. Oui, oui, des ados qui ont quelques poils au menton ont plus de pouvoir que les organisati­ons profession­nelles multimilli­ardaires qui les ont repêchés. C’est singulier, mais c’est ça.

Chez le Canadien, on l’a vu avec Jordan Harris et Sean Farrell. Les Flames l’ont aussi fait avec Johnny Gaudreau à l’époque, notamment.

LE BEAU CADEAU

Et pourquoi offre-t-on sur un plateau d’argent ce beau cadeau, cette réduction d’un an avant l’autonomie ?

Car le bon espoir de la NCAA, comme Hutson, pourrait décider de ne pas s’entendre avec l’équipe qui l’a repêché, de devenir un joueur autonome et d’aller jouer avec le club de son choix. Cela pourrait être le cas avec Hutson après la saison 2025. L’analyste Dany Dubé a d’ailleurs rapporté la semaine dernière que ce scénario catastroph­e n’était pas écarté par le clan Hutson. Que ce dernier allait pouvoir décider d’évaluer ses options. C’est-à-dire aller rejoindre n’importe quelle autre équipe de la LNH.

C’est ce qu’Alex Kerfoot, Will Butcher, Blake Wheeler, Kevin Hayes et Jimmy Vesey ont fait, par exemple. Adam Fox est un cas presque similaire, mais il n’était pas devenu joueur autonome. Ses droits avaient été échangés aux Rangers, car il ne voulait pas signer de contrat avec la Caroline.

Revenons à Lane Hutson. En juillet 2022, quand le Canadien l’a repêché, il avait lancé qu’il ne pouvait pas être plus heureux de se retrouver à Montréal.

« Quand je pense à toutes les légendes qui ont joué pour le Canadien, je me considère comme chanceux de suivre ce chemin. C’est un sentiment incroyable. On parle d’une équipe avec une riche histoire », avait-il dit au Journal.

Moi aussi, je pense aux légendes ou aux fantômes, aux bras meurtris qui tendent le flambeau et qui demandent aux joueurs actuels de le porter bien haut.

Pas certain que ça passerait auprès de tous ceux qui ont leur nom accroché dans les hauteurs du Centre Bell s’ils savaient qu’il y a maintenant des joueurs qui, avant d’avoir joué un seul match au niveau profession­nel, peuvent exiger de jouer dans la LNH dès leur arrivée pour devenir plus riches, plus vite. Et que sinon, ils iront ailleurs.

L’ÉQUIPE AVANT TOUT ? NON !

On est loin des belles leçons sur le sport d’équipe, le sentiment d’appartenan­ce, la loyauté et l’engagement.

Je me demande quelle sorte d’athlète on crée quand un joueur est plus important que l’équipe avant même de jouer un match.

Je me demande à quoi sert le repêchage si on continue de laisser aller tout ça.

Vous allez me dire qu’il n’y a rien d’étonnant. Que l’argent mène le sport. Que les joueurs ont raison d’être individual­istes avec tout le fric en jeu. Mais il faut croire que je suis naïf. Que je pense que dans le sport profession­nel payant, il y a encore beaucoup d’athlètes qui carburent à plus que l’argent.

Non, tout ça n’est pas de la faute à Hutson. Il fait comme les autres et est conseillé comme les autres.

Il faut avoir été bon et pas à peu près pour en venir à exiger de brûler une année de contrat. Et il l’a été.

Le système est rendu comme ça. Donc il serait fou de ne pas en profiter.

Le Canadien, dans tout ça, n’est pas à blâmer non plus. Kent Hughes serait fou de ne pas lui permettre de brûler une année de contrat et de risquer de le voir refuser de signer.

D’ailleurs, je me demande vraiment ce que ferait Hutson si Hughes ne voulait pas.

Imaginez le mélodrame en coulisses. La pression serait énorme sur le clan Hutson pour le convaincre de ne pas signer, justement pour ne pas créer de précédents.

Des rumeurs circulent selon lesquelles c’est ce que les Flyers voulaient faire avec leur espoir Cutter Gauthier. L’organisati­on ne voulait pas lui permettre de brûler une année de contrat. Il a été échangé.

Mais ça n’arrivera pas avec Hutson. Le Canadien devra jouer le jeu et continuer d’être une organisati­on attrayante.

Mais il y a quelque chose d’indécent dans tout ça et il faut que ça arrête.

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PHOTO FOURNIE PAR BOSTON UNIVERSITY, KYLE PRUDHOMME Tout indique que Lane Hutson pourrait jouer quelques matchs avec le Canadien après la fin de sa saison avec l’Université de Boston.

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