Le Journal de Montreal

Un internaute prie pour un autre drame comme Polytechni­que

- FRÉDÉRIQUE GIGUÈRE Avec Mathieu Boulay

Un commentair­e haineux dans lequel un utilisateu­r dit « prier » pour revivre une deuxième tuerie de Polytechni­que publié sous la vidéo TikTok d’une avocate a forcé la police de Laval à ouvrir une enquête afin de trouver l’internaute en question.

Depuis bientôt trois ans, Me Chanel Alepin produit du contenu principale­ment éducatif sur la page TikTok du cabinet Alepin Gauthier Avocats, où elle est associée. Celle qui se présente comme « ta grande soeur avocate » y aborde notamment des sujets comme la violence conjugale, le consenteme­nt ou la cyberpédop­hilie.

Jeudi matin, Me Alepin a publié une courte vidéo dans laquelle elle posait la question suivante : « Les femmes sont jugées trop émotives au travail, mais qui crient lorsqu’on n’est pas d’accord avec leur point ? »

Ce à quoi un utilisateu­r anonyme du nom de « Poueblo » a répondu que les femmes étaient toutes, sans exception, « un osti de paquet de problème ».

L’avocate lui a alors renvoyé un coeur, en écrivant « ça va être correct ».

Poueblo a renchéri en publiant un commentair­e d’une grande violence, en référence au féminicide de masse survenu à l’École polytechni­que en 1989.

« Jamais, je prie pour un remake du 6 décembre », a écrit l’internaute anonyme.

UNE PREMIÈRE

Me Alepin a immédiatem­ent réalisé la gravité de ce qu’on venait de lui écrire. Bien qu’elle soit habituée à recevoir à l’occasion des commentair­es désobligea­nts, c’était la première fois qu’elle était confrontée à des propos aussi troublants.

« Je suis tombée en bas de ma chaise, dit-elle, en entrevue avec Le Journal .Je ne pouvais pas croire que quelqu’un utilise un compte TikTok pour faire référence à un événement aussi tragique de l’histoire du Québec et de l’histoire des femmes. »

Rappelons que le 6 décembre 1989, un homme a fait irruption dans l’établissem­ent scolaire montréalai­s et a ouvert le feu sur de nombreuses personnes. Le sombre bilan a fait état de 14 morts et 13 blessés. L’assassin, qui disait combattre le féminisme, a visé principale­ment des femmes.

POSSIBLE DE RETRACER LES AUTEURS

Hier, la police de Laval a confirmé avoir pris connaissan­ce du commentair­e sur la page TikTok de Me Alepin et avoir ouvert une enquête criminelle.

« Même si c’est un compte anonyme, même si la personne supprime son commentair­e : c’est toujours possible de retracer les auteurs, dit l’agente Stéphanie Beshara, porte-parole de la police. C’est important de mettre en garde les gens que ça peut être criminel et qu’on ne peut pas écrire n’importe quoi. »

Chanel Alepin se réjouit de constater que l’incitation publique à la haine soit prise au sérieux par les policiers.

« J’espère que c’est un message à tous que la liberté d’expression et les commentair­es désobligea­nts s’arrêtent là où ça devient criminel », conclut l’avocate.

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