Des enfants dans l’eau glaciale
À l’intérieur de Montréal, le journaliste Louis-Philippe Messier se déplace surtout à la course, son bureau dans son sac à dos, à l’affût de sujets et de gens fascinants. Il parle à tout le monde et s’intéresse à tous les milieux dans cette chronique urba
Les bains de glace sont à la mode chez les adultes pour qui c’est parfois presque une religion. À force de voir aller papa et maman, les enfants de ces adeptes de la saucette nordique éprouvent parfois la curiosité de se mouiller aussi... et certains apprennent à aimer ça.
Pour Le Journal, je suis donc allé me saucer dans la rivière des Mille-Îles entre LavalOuest et Saint-Eustache avec Athéna, 7 ans, Charlie, 6 ans, et Adrien, 5 ans, le 29 mars.
La plage de la Berge aux Quatre-Vents doit sûrement son nom à son hyperactivité éolienne. L’eau est à 7 degrés Celsius ou, pour parler québécois, à 44 degrés Fahrenheit.
Pendant l’immersion, le petit Adrien reste dans les bras de son père. Seules ses jambes trempent. C’est déjà toute une expérience !
« J’étais au parc avec mes fils, raconte Chris Ayotte. Quand on a remarqué qu’il y avait des enfants qui allaient se baigner, j’ai demandé à mes gars s’ils voulaient essayer et ils ont dit oui. »
L’autre fils de M. Ayotte a finalement choisi de passer son tour.
Dans l’eau, Athéna mérite son prénom par son calme olympien.
Plus expressive, Charlie garde une posture plus tendue, mais cette blondinette est une baigneuse d’eau froide émérite qui participe parfois à l’Instagram de son père Jonathan Lachapelle consacré à ce sujet.
Une fois les deux minutes écoulées, les deux fillettes plongent rapidement leurs têtes et leurs cheveux dans l’eau avant de sortir en courant pour se blottir dans leurs serviettes et leurs couvertures.
Une mère sort un thermos et offre du chocolat chaud à un Adrien emmitouflé. Voilà des enfants contents et sereins. Le fait de voir des enfants qui aiment se baigner dans l’eau glacée, ça dédramatise la pratique pour certains adultes. Est-ce vraiment extrême si une gamine de 6 ans le fait ?
Cette journée-là, c’était alors le baptême de l’eau froide pour une vingtaine d’adultes et d’adolescents néophytes. Ils participaient à une collecte de fonds pour la Fondation Marie Vincent qui aide les enfants victimes d’inceste.
« J’ai vu Charlie 6 ans se baigner en souriant dans la glace et je me suis dit : moi aussi, je suis capable de me dépasser et j’ai affronté ma phobie du froid ! » raconte l’organisatrice Juliette Comtois-Béïque.
MIEUX QUE LES JEUX VIDÉO
Habituellement, Athéna et Charlie ont plusieurs camarades de baignade.
« Il y a normalement plus d’enfants que ça, mais certains redoutaient le jugement des lecteurs du Journal et ont préféré ne pas venir », m’avoue Jonathan Lachapelle, le père de Charlie, lui-même animateur de baignade de glace depuis plusieurs années avec son groupe Facebook Live without fear.
Loin de sermonner les parents dont les enfants participent aux bains de glace, la pédopsychiatre Céline Lamy les encense :
« C’est une excellente activité familiale ! » s’exclame-t-elle.
« C’est bien sûr important de ne pas forcer l’enfant, de respecter son rythme et de ne pas lui reprocher sa peur s’il refuse », précise-t-elle.
« C’est exactement ce dont les enfants ont besoin : des sensations intenses dans un contexte sécuritaire. C’est ce que leur apportent les jeux vidéo sous une forme virtuelle. Alors que là, cette baignade de glace avec papa et maman et les amis, c’est réel. Ça fait intervenir tous les sens. C’est un exploit, un motif de fierté et, en plus, ça rapproche des parents et ça forge des souvenirs », croit Mme Lamy.