Le Journal de Montreal

Elle coupe ses cartes de crédit et sort déposer des CV

Une mère de trois enfants a bûché pendant sept ans pour rembourser ses dettes

- GABRIEL CÔTÉ

C’est à l’heure du déjeuner un lundi matin que tout a changé. « J’ai coupé mes cartes de crédit, et je suis sortie porter des CV », se souvient une mère de trois jeunes enfants, qui a bûché pendant sept ans pour rembourser des dettes de plusieurs dizaines de milliers de dollars.

« Déjà, à la fin de mes études, j’étais désespérée parce que j’étais hyper endettée. Je me disais que ça ne pouvait pas être ça, la vie, d’être obligée de travailler tous les jours pour rembourser des dettes », confie Sabrina Blanchard, 39 ans, en entrevue avec Le Journal.

Le matin fatidique, Sabrina avait à son nom « deux cartes de crédit loadées », en plus de son prêt étudiant.

« Et je m’étais aussi pété la gueule en essayant de partir une entreprise qui n’a finalement pas fonctionné, ajoute-t-elle. Ça fait que j’ai pris des petites jobs au salaire minimum, dans un cinéma puis dans une animalerie. Je travaillai­s toujours plus, mais je n’arrivais pas à m’en sortir. »

BUDGET

C’est que la résolution n’est rien sans de bonnes habitudes, observe Sabrina. « On a beau mettre tout notre argent dans le remboursem­ent de nos dettes, ça ne sert à rien si on n’est pas capable de s’en garder de côté pour les imprévus », explique-t-elle.

Elle s’est donc fait un budget et a commencé à épargner de petits montants sur chaque paie. « Au fur et à mesure que mon coussin d’urgence grossissai­t, je me sentais plus en sécurité financière­ment. Sur le coup, on a l’impression de rembourser moins vite, mais en réalité, c’est plus rapide comme ça », dit-elle.

« L’autre point important, c’était de payer d’abord les cartes de crédit avec les taux d’intérêt les plus élevés plutôt que celles avec un taux moins désavantag­eux. »

Ensuite, la jeune femme a trouvé un emploi d’adjointe administra­tive avec un salaire un peu plus intéressan­t, puis elle a réussi, après sept années « difficiles », à se sortir du trou.

« J’ai fait ça par orgueil, parce que je ne voulais pas faire faillite. Mais aujourd’hui, ma cote de crédit n’est plus dans le rouge ! » indique fièrement celle qui a aujourd’hui trois enfants, et qui prévoit se relancer à son compte dans les prochains mois.

« On vit dans un 4 1⁄2 qui nous coûte seulement 800 $ par mois, et honnêtemen­t on vit très bien, poursuit-elle. On ne sent pas trop le coût du panier d’épicerie qui augmente, parce qu’on fait des choix ailleurs. On n’a pas de voiture, et on ne fait pas de voyages, par exemple. »

LE PARADOXE DE L’INSTABILIT­É

Avant de changer ses habitudes, Sabrina Blanchard confesse qu’elle avait un « blocage psychologi­que » à l’idée de travailler pour quelqu’un d’autre, et qu’il lui semblait plus beau d’être son « propre patron ».

Or, ce mode de vie s’accompagne généraleme­nt de plus d’instabilit­é, ce qui nécessite bien entendu davantage d’organisati­on.

Mais paradoxale­ment, les personnes dont les revenus sont les plus instables sont moins portées à tenir un budget et planifier leurs dépenses, selon une étude publiée le mois dernier dans le Journal of Consumer Affairs, aux États-Unis.

« Il est plus difficile de budgéter quand les revenus sont moins prévisible­s », expliquent les auteurs de l’étude. « Conséquemm­ent, ceux qui ont les revenus les plus imprévisib­les ont beaucoup plus de chances de dire qu’ils trouvent désagréabl­e de faire un budget. »

Il demeure que cet exercice permet de limiter les effets négatifs qu’entraînent des revenus moins stables, ajoutent les chercheurs, qui appellent les institutio­ns financière­s à davantage sensibilis­er la population à ce propos.

C’est d’autant plus important que le nombre de personnes qui se tournent vers les petits boulots pour boucler les fins de mois est en augmentati­on au Québec, comme le rapportait Le Journal la semaine dernière.

« Quand on a de la misère financière­ment, il y a toujours des solutions, croit Sabrina Blanchard. Mais il faut prendre le temps d’examiner la situation dans laquelle on se trouve, et y réfléchir. »

 ?? PHOTO COURTOISIE ?? Sabrina Blanchard a réussi à rembourser 30 000 $ de dettes après sept ans de travail acharné.
PHOTO COURTOISIE Sabrina Blanchard a réussi à rembourser 30 000 $ de dettes après sept ans de travail acharné.

Newspapers in French

Newspapers from Canada