L’intelligence artificielle au service des pêcheurs
À la pêche, êtes-vous toujours certains à 100 % de bien identifier vos captures ? Pourtant, en cas d’erreur, vous pourriez avoir de sérieux problèmes !
Selon une récente discussion avec des spécialistes du ministère, il semblerait que la majorité des manieurs de canne sont en mesure de reconnaître en moyenne seulement une dizaine d’espèces.
Il y en a pourtant 120 qui nagent dans nos eaux douces ou qui y migrent. Les adeptes capturent annuellement environ 43 000 000 poissons.
IDENTIFICATION
Si vous pêchez dans un plan d’eau où il n’y a que de la mouchetée ou des poissons ensemencés, par exemple, vous ne devriez pas avoir trop de difficulté.
En contrepartie, si je vous parle de chevalier cuivré, rouge, blanc, jaune et de rivière, saurez-vous les reconnaître ?
Même interrogation pour les trois espèces d’alose, les deux types d’esturgeon, les cinq sortes de crapets, les deux lignées de gobies et les quatre carnassiers qui font partie des brochets.
En un coup d’oeil, pourriez-vous distinguer le gardon rouge, la tanche, le baret, le bar blanc, le malachigan, la carpe de roseau, les saumons coho, chinook, atlantique et rouge qu’on capture à l’occasion dans le fleuve Saint-Laurent ?
Il y a pourtant des règles qui régissent la pêche de certaines espèces et nul n’est censé ignorer la loi.
ALLÉLUIA
Je suis persuadé que vous avez déjà eu l’impression de parler à une personne qui semblait passionnée par son travail. Ça a été mon cas, la semaine dernière, lorsque je me suis entretenu avec Yves Paradis du ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs.
Ce biologiste de formation est spécialiste des poissons et de leur identification. Il a participé entre autres à la réalisation des affiches, sous forme de poster, qui présentent toutes les espèces de la Belle Province.
Il y a cinq ans, avec son collègue Simon Bernatchez, ils ont eu l’idée de créer l’application pour téléphone mobile qui se nomme iPêche, pour répondre à la demande des amateurs avides d’outils d’identification.
Avec l’accord de leurs employeurs au ministère, ils ont élaboré tout le contenu. Puis, le Centre en imagerie numérique et médias interactifs (CIMMI) a conceptualisé l’encadrement digital en proposant des solutions logicielles novatrices.
DÉMARCHES
Un travail colossal s’en est suivi afin de mettre sur pied une immense banque d’images de poissons sous toutes les conditions qui servirait à bâtir l’algorithme. Un total de 38 000 clichés de 125 espèces a été numérisé, recadré, puis soumis au système.
Lorsqu’on télécharge iPêche gratuitement sur App Store ou Google Play, on n’a pas à créer de compte.
Une fois téléchargée, l’application est prête à être utilisée avec son algorithme.
Elle n’a pas besoin de réseau pour fonctionner, elle est complètement autonome et surtout très performante.
Imaginez, lors des premiers essais, cette application de taille standard avec ses 271 Mo qui ne ralentissent pas le fonctionnement de votre téléphone intelligent, surtout qu’elle contient de nombreuses photos haute résolution, a eu une note quasi parfaite.
Après 4 270 identifications de poissons, l’intelligence artificielle a reconnu l’espèce analysée dans 94,9 % des cas. Lorsque les clichés présentés sont difficilement interprétables, iPêche propose un deuxième et un troisième choix. Sachez qu’au final, la machine enchantée a eu les bonnes réponses dans 98,8 % des situations.
FONCTIONNEMENT
La première étape consiste à prendre un poisson en photo, ou même de lui soumettre un cliché provenant de votre propre banque personnelle ou d’internet. Le système vous invite ensuite à recadrer la photo de façon à n’y voir que le spécimen.
Cela aura pour effet d’accroître les performances. Puis, iPêche vous soumet l’identification ainsi que deux autres choix possibles en ordre décroissant de probabilité.
Une fiche descriptive pourra ensuite être consultée sur l’espèce identifiée. Vous y apprendrez son nom scientifique, son nom anglais, l’intérêt qu’il représente pour les pêcheurs, sa répartition géographique avec carte, et ses caractéristiques physiques, au niveau de la couleur, de la forme de son corps et des nageoires.
Puis, sur le plan biologique, on vous en apprendra sur la taille maximale en Amérique du Nord, son espérance de vie, sa diète, son habitat, sa période de reproduction, sur les espèces similaires, etc.
Vous aurez accès à beaucoup de lecture et d’informations à jour et bien ficelée.
Vous pourrez même en apprendre davantage sur le mesurage des poissons, sur la consommation, la cuisson, l’éviscération, le fumage et bien plus.
SIGNALEMENT
Conscients que personne n’aime être épié ou sous la loupe de Big Brother, les concepteurs proposent aux utilisateurs de pouvoir signaler de façon volontaire et anonyme leurs captures afin de s’assurer de la répartition des espèces exotiques ou précaires et de raffiner la distribution. Seuls Simon et Yves ont accès à ces données.
L’appli propose aussi un carnet digital, non partagé, pour conserver vos précieuses notes lors de vos sorties.
Vous pourrez y retrouver automatiquement la date et l’heure, puis selon ce que vous aurez fourni comme information, l’espèce, le leurre utilisé, la longueur et le poids, si remis à l’eau ou pas, les coordonnées de la capture, le plan d’eau, la température, la profondeur ainsi que d’autres notes générales.
À VENIR
Yves Paradis me confiait que lui et ses collègues planchaient dernièrement sur un projet qui pourrait éventuellement intégrer la réglementation en temps réel, en fonction de la date et de l’endroit.
L’application gratuite iPêche représente sans aucun doute une belle avancée technologique, fort utile pour la clientèle des pêcheurs. Sincères félicitations à toute l’équipe.