Le Journal de Montreal

Il récidive après avoir eu un pardon

Thierry Karsenti a déjà été condamné dans les années 1990 pour exploitati­on sexuelle sur deux ados

- ERIKA AUBIN

Un chercheur en éducation qui a réussi à obtenir un pardon après avoir exploité sexuelleme­nt deux ados dans les années 1990, lui permettant ainsi de devenir une sommité dans son domaine, risque maintenant six ans de détention pour des abus ayant marqué à vie un garçon de 11 ans.

« Ma confiance a été trahie au plus haut point. […] J’ai beaucoup souffert pendant les longs mois où j’ai dû endurer ses attoucheme­nts et durant les années avant ma dénonciati­on, où je me sentais obligé de garder le silence par peur », a écrit dans une lettre la victime de Thierry Karsenti.

L’agresseur de 55 ans subissait les observatio­ns sur sa peine hier, lui qui a été reconnu coupable en juillet dernier de contacts sexuels sur un garçon de 11 ans. Son identité est protégée par la cour.

Karsenti entrait dans sa chambre tôt le matin, lui touchait le torse et descendait jusqu’à son sexe. Il lui demandait de se retourner sur le dos et en profitait pour lui flatter les fesses.

« Les abus se sont produits dans la maison [de la victime], dans sa chambre, dans son lit. C’est l’endroit au monde où un enfant devrait pouvoir se sentir le plus en sécurité », a déploré la procureure de la Couronne, Me Anne Gauvin, qui réclame six ans de détention.

PAS LA PREMIÈRE FOIS

Me Gauvin a longuement insisté sur le fait que Karsenti est un récidivist­e. En 1992, il avait été condamné à trois ans de probation et 180 heures de travaux communauta­ires pour exploitati­on sexuelle de deux mineurs.

La suspension de son casier judiciaire a été révoquée après sa nouvelle condamnati­on.

À l’époque, Karsenti avait commis des attoucheme­nts sur deux adolescent­s de 14 à 16 ans qui étaient sous son autorité et avaient confiance en lui, a-t-on appris hier au palais de justice de Longueuil. Il était alors entraîneur de tennis de table.

Karsenti était parvenu à obtenir un pardon, ce qui lui a permis de se construire une prolifique carrière dans le milieu de l’éducation.

L’ex-professeur en sciences de l’éducation à l’Université de Montréal était même titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les technologi­es de l’informatio­n et de la communicat­ion en éducation.

Il est connu pour avoir conseillé un ex-ministre de l’Éducation pour la rédaction du Plan d’action numérique en éducation et en enseigneme­nt supérieur.

Il a également conçu pour le ministère de l’Éducation une plateforme permettant aux élèves de faire des activités en ligne pendant la suspension des cours à cause de la pandémie.

Sa carrière a pris abruptemen­t fin après sa deuxième arrestatio­n, en 2021.

MARQUÉ À VIE

Sa plus récente victime doit encore vivre avec de nombreuses séquelles, même si le garçon a longtemps essayé d’oublier les mauvais souvenirs et de se dissocier de ses émotions.

« Mon défi dans ma vie adulte qui commence sera d’accepter […] les marques physiques et psychologi­ques de ces agressions. Je devrai apprendre à aimer cette vie qui m’appartient et qui aurait été bien différente si on m’avait laissé vivre mon enfance en toute légèreté », a-t-il dit.

Sa mère a encore de la difficulté à regarder des photos de son fils à l’âge des abus.

« Je replonge dans cette immense douleur, m’imaginant ce qu’il a pu endurer en silence », a-t-elle expliqué au tribunal dans une lettre.

De son côté, Karsenti espère s’en tirer avec deux ans moins un jour de prison. La juge Ann-Mary Beauchemin rendra sa décision en août prochain.

Selon la loi actuelleme­nt en vigueur, Thierry Karsenti ne pourrait plus obtenir un pardon aujourd’hui puisqu’il était en position d’autorité au moment de ses crimes sexuels.

 ?? PHOTO ERIKA AUBIN ?? Le chercheur en éducation Thierry Karsenti, en compagnie de son avocate, Me Clara Daviault, au palais de justice de Longueuil, hier.
PHOTO ERIKA AUBIN Le chercheur en éducation Thierry Karsenti, en compagnie de son avocate, Me Clara Daviault, au palais de justice de Longueuil, hier.

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