Crise en agriculture : où était le ministre ?
Ça va très mal en agriculture au Québec.
On le sait depuis le mois de décembre au moins, lorsque, en plein congrès de l’Union des producteurs agricoles (UPA), le président Martin Caron avait cavalièrement coupé la parole au ministre André Lamontagne, lequel était en train de livrer son discours.
Ça manquait de savoir-vivre, certes. Comme cet agriculteur dans l’assistance qui avait dit vouloir « botter le cul » au ministre.
Des attitudes discourtoises, qui traduisaient toutefois une colère importante. Oui, les agriculteurs sont souvent en beau fusil (quand on dépend de dame Nature…), mais ce qui se passe actuellement semble particulièrement difficile.
Inflation post-pandémie, taux d’intérêt enflammés, coût des « intrants », changements climatiques, réglementations environnementales : une conjonction de phénomènes change la donne pour les industries agricoles.
Au Québec, cette semaine, des manifestations auront lieu un peu partout. On réclame un autre fonds d’urgence au Québec, mais aussi au gouvernement fédéral.
Un test déterminant pour le ministre Lamontagne et la CAQ.
CRISE
Or, lors d’une importante manifestation de vendredi passé à SaintJean-sur-Richelieu, le ministre Lamontagne brillait par son absence. La vice-PM Geneviève Guilbault avait été dépêchée en catastrophe, avec sa collègue Audrey Bogemans, députée agricultrice (Iberville). En mauvaise posture, la CAQ, qui se dit parti des régions, n’a pas le moyen de l’échapper.
La semaine précédente, François Legault avait admis que le secteur traversait une véritable « crise ».
« Cette fois, on ne pourra pas dire qu’on a tardé à la reconnaître ! » arguait-on dans l’entourage de François Legault vendredi ; contrairement à ce long moment pendant lequel le gouvernement refusa d’accréditer l’existence d’une crise du logement.
Malgré tout, les oppositions reprochent précisément cela. « L’Association des producteurs maraîchers réclame une aide spéciale depuis huit mois ! », peste le libéral André Fortin.
Revenons à l’absence du ministre, vendredi dernier. Son entourage refusa catégoriquement de me dire où il se trouvait. En Europe, comme une source gouvernementale me l’avait soufflé à l’oreille ? « Je ne suis pas en mesure de confirmer cette information », m’a-t-on répondu de manière robotique.
Était-il en mission ? Même non-réponse. Y avait-il un malaise de savoir l’homme absent parce qu’en vacances ? Les ministres ont certes droit à des pauses. Mais en période de crise dans leur secteur, certaines pauses peuvent être repoussées. Remarquez, M. Lamontagne a peut-être de très bonnes raisons de s’être absenté. C’était semaine de congé parlementaire et de travail en circonscription.
UN FONDS EXISTE
Au reste, le cabinet du ministre protestait hier : en mai 2023, Lamontagne annonçait « l’initiative Agri-relance », un fonds d’urgence de 25 millions, qui représenterait « un effet de levier de 167 millions de $ ». Manifestement, les agriculteurs estiment cela insuffisant.
Les débuts en poste d’André Lamontagne ont été difficiles, notamment avec cette affaire d’ingérence des fabricants d’engrais et de pesticides dans la recherche publique, dénoncée par le lanceur d’alerte et agronome Louis Robert.
Par la suite, il a su faire sa place, s’approprier ses dossiers, faire preuve de dynamisme, promouvoir l’autonomie alimentaire. Pour passer à travers de la crise actuelle, il lui faudra être présent, voire omniprésent.