Le Journal de Montreal

Des animaux affectés par la disparitio­n du Soleil

Des scientifiq­ues ont profité du phénomène pour observer leur comporteme­nt

- MATHIEU-ROBERT SAUVÉ

Des coqs ont chanté et des animaux du Zoo de Granby ont changé de comporteme­nt subitement quand leur habitat a été plongé dans le noir durant l’éclipse.

Dès le samedi, soit deux jours avant le jour J, une douzaine de technicien­s animaliers et de biologiste­s ont pris part au projet de recherche du zoo qui a eu lieu durant l’éclipse solaire totale de lundi.

C’est Pierre Chastenay, astronome et professeur de didactique des sciences à l’Université du Québec à Montréal (UQAM), qui était le maître d’oeuvre du projet mené auprès de 12 espèces animales en captivité. Ils ont commencé leurs observatio­ns afin de pouvoir comparer les moeurs et comporteme­nts des bêtes durant les 3 minutes 26 secondes de la totalité.

S’il est encore tôt pour tirer des conclusion­s, le chercheur mentionne que les espèces semblent avoir réagi de différente­s manières à la chute de luminosité et de températur­e.

De son point de vue, M. Chastenay a observé un net changement de comporteme­nt dans la colonie de macaques japonais. Ils se sont réfugiés en hauteur en criant.

Chez les autruches et les lophophore­s, une grosse perdrix colorée de l’Himalaya, l’arrivée subite de la nuit a aussi provoqué un changement de comporteme­nt, les animaux cherchant à se mettre à l’abri.

Les zèbres se sont agités subitement, galopant dans la savane et se mordillant les uns les autres. Par contre, les ours, pandas et léopards n’ont pas cligné de l’oeil…

Un comporteme­nt qui s’expliquera­it par la réaction de danger imminent pour les proies, non ressentie par les prédateurs.

LES COQS CHANTENT

La nuit tombée en pleine après-midi a aussi surpris les animaux d’élevage.

« Les coqs ont chanté pour rassembler les poules », a noté Marie-Christine Auger, une éleveuse de volailles de Saint-FrançoisXa­vier-de-Brompton, en Estrie.

Mme Auger a porté attention à la bassecour tout en observant elle-même l’éclipse. Alors que les 20 pondeuses en liberté se nourrissai­ent ici et là sur sa terre, les deux coqs ont « vu venir » l’éclipse une quinzaine de minutes avant la totalité et ont commencé à sonner le rassemblem­ent.

Jugeant qu’il ne pouvait pas rentrer dans le poulailler pour la nuit, le petit groupe s’est réuni « collé collé » autour d’un arbre jusqu’au retour du Soleil.

UN TOURNANT EN ZOOLOGIE

En excluant toute activité humaine autour des cages du Zoo de Granby, l’expérience menée lundi pourrait marquer un tournant dans la façon d’observer les animaux durant une éclipse solaire.

« À la différence des autres zoos des États-Unis et même d’Europe qui ont mené des expérience­s similaires, le site de Granby a été fermé aux visiteurs et nous avons tâché de diminuer au maximum l’effet des activités humaines sur les animaux observés », explique M. Chastenay.

Dans la littératur­e scientifiq­ue, la variable de l’activité humaine pourrait fausser les données, croit le professeur de didactique des sciences à l’UQAM qui a travaillé avec la biologiste du zoo, Julie Hébert.

« Vous avez vu combien les gens crient et applaudiss­ent quand la noirceur tombe ? Les animaux réagissent-ils à l’éclipse ou à l’émotion ? C’est l’élément qu’on a voulu éviter. »

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PHOTO FOURNIE PAR LE ZOO DE GRANBY Pendant l’éclipse de lundi, les autruches du Zoo de Granby ont cherché à se mettre à l’abri à la tombée de la noirceur.

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