Il avait raison de craindre ce codétenu malade
Ali Ngarukiye a tué celui qui partageait sa cellule en juin 2021
Quelques heures avant d’être sauvagement tué dans sa cellule de prison, un détenu avait prévenu une amie qu’il était coincé avec un « malade mental qui n’a rien à perdre ».
« Je vais prendre mon mal en patience pour pouvoir sortir d’ici le plus tôt possible », avait affirmé André Lapierre lors d’un appel téléphonique.
Ce document audio a été présenté au jury hier au palais de justice de Montréal, dans le cadre du procès d’Ali Ngarukiye, un Montréalais qui a tué son codétenu à la prison de Rivière-des-Prairies, dans la nuit du 16 au 17 juin 2021.
« Quand les gardiens sont passés vers 6 h du matin, l’accusé était debout près de la porte tandis que la victime était allongée au sol », a affirmé Me Louis Bouthillier, de la Couronne, au début du procès. L’accusé de 24 ans reconnaît être l’auteur de l’homicide, mais compte plaider la non-responsabilité criminelle pour cause de troubles mentaux.
VÊTEMENTS VOLÉS
Si on ignore toujours les raisons qui auraient poussé Ngarukiye à tuer sa victime de 57 ans, on a appris qu’ils avaient eu une empoignade le matin du drame au sujet de vols présumés de vêtements. « Il a fouillé dans mes affaires, je suis sûr qu’il a flushé mes vêtements, quand j’ai cherché dans ses affaires, j’ai trouvé une de mes paires de chaussures », avait dit M. Lapierre à une amie.
Elle avait calmé le détenu, en lui rappelant que ça ne valait pas la peine de se mettre dans le trouble pour quelques vêtements.
« Ça reste un trou de cul, avait répondu Lapierre. Je ne mérite pas ça, je suis gentil avec tout le monde, je lui ai donné de quoi acheter sa cantine. »
LIÉ À L’AFFAIRE CAMARA
Lors de la conversation, M. Lapierre avait révélé que Ngarukiye était selon lui lié à « l’affaire Camara avec un policier qui s’est fait tirer dessus ».
« Il y a un gars qui a été arrêté par erreur pour avoir désarmé un policier, a dit M. Lapierre. Le vrai coupable, c’est lui [Ngarukiye]. »
Son interlocutrice lui rétorque qu’il s’agit d’un « malade mental » et de faire attention, car « il n’a rien à perdre, une accusation de plus ne va rien changer pour lui », ce à quoi M. Lapierre acquiesce.
Or, si le jury a ainsi pu entendre que Ngarukiye avait un lien avec « l’affaire Camara », la juge Myriam Lachance a prévenu le jury de faire attention avec cette information.
« Un accusé est à procès pour ce qu’il aurait fait [ici pour avoir tué un codétenu] et non pour qui il est, vous devez vous garder d’avoir une réaction émotive, votre verdict ne doit pas être basé sur l’émotion, c’est très important », a dit la juge au jury.
Le procès est prévu pour durer quelques semaines. La Couronne compte faire entendre une quinzaine de témoins, dont des gardiens de prison et des policiers.