Ingérences chinoises : les libéraux sur la défensive
La commission sur l’ingérence étrangère dans les élections canadiennes, dirigée par la juge Marie-Josée Hogue, clôturera aujourd’hui sa première série d’audiences publiques par les témoignages du premier ministre Trudeau et de membres de son cabinet. Les audiences reprendront l’automne prochain.
Quatre-vingts pour cent des documents gouvernementaux reçus par la commission ont la classification « Très secret » ou une plus élevée. Qu’est-ce qui peut être rendu public de tout cela sans nuire à la sécurité de l’État canadien ? Tout va se jouer là-dessus.
La juge Hogue s’est engagée à « tout mettre en oeuvre pour aller au fond des choses ». Il est sûr que des révélations de témoins ou contenues dans des documents pourraient être embarrassantes pour le gouvernement libéral et possiblement pour Trudeau luimême.
WOH ! LES MOTEURS
Ainsi, on a appris qu’un seuil délibérément élevé avait été fixé par le comité de sécurité du gouvernement pour alerter le public d’une ingérence.
Pourquoi ? Parce qu’un tel avertissement pourrait influencer les choix des électeurs et nuire gravement aux relations du Canada avec le pays qui s’immisce dans nos élections. La commission cible les activités de la Chine, de l’Inde et de la Russie et d’autres pays lors des deux dernières élections fédérales.
Un document « très secret » du Service canadien du renseignement de sécurité préparé pour Trudeau en février 2023 affirmait que Pékin avait « interféré dans les élections générales de 2019 et de 2021 ». Déposée à la commission, la note du SCRS a été rédigée en réponse aux articles de médias, en particulier ceux du Globe and Mail et du réseau Global TV, qui décrivaient la campagne orchestrée par la Chine pour s’ingérer « clandestinement et de manière trompeuse » dans les élections canadiennes.
Le document indique qu’il y a eu 34 séances d’information du SCRS sur l’ingérence étrangère à l’intention de ministres du gouvernement libéral et de responsables de l’intégrité des élections. Justin Trudeau a eu deux séances d’information, une en février 2021 et l’autre, en octobre 2022. Il savait donc que l’ingérence favorisait les libéraux au détriment des conservateurs.
Trudeau a osé accuser les conservateurs qui se plaignaient de la Chine d’être de mauvais perdants. Erin O’Toole, chef des conservateurs aux élections de 2021, ne conteste pas la victoire libérale, mais a déclaré devant la commission avoir perdu jusqu’à neuf sièges à cause des machinations chinoises.
FAUT PAS ALARMER LE PUBLIC
Ça n’a pas empêché Nathalie Drouin, la conseillère de Trudeau en matière de sécurité nationale et de renseignement, de déclarer qu’il n’y avait pas de preuve concrète des activités de la Chine contre le Parti conservateur. C’est pourquoi, dit-elle, le gouvernement n’a émis aucun avertissement « de crainte d’alarmer le public ». Toute vérité n’est pas bonne à dire si ça peut nuire au PLC.
Le Parti libéral avait été alerté de l’ingérence de la Chine dans la nomination du candidat libéral pro-Pékin en Ontario, Han Dong, qui a été élu aux élections de 2019. Le SCRS savait que le consulat chinois à Toronto avait aidé Dong à gagner.
Comme l’a noté devant la commission un intervenant d’un groupe de défense des droits de l’Homme, la plupart de ceux qui surveillent l’ingérence étrangère au Canada ont été nommés par le Parti libéral et « les règles en vertu desquelles ils opéraient visaient à dissimuler au lieu de dénoncer et de mettre fin aux ingérences ».