Le Journal de Montreal

Qu’en est-il de la légitimité ?

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Le gouverneme­nt du Québec a annoncé le 19 mars dernier qu’il avait réussi à obtenir d’Ottawa un accord sans condition sur le transfert de 900 millions de dollars en santé.

En effet, il était important pour le Québec – et cela fait l’unanimité à l’Assemblée nationale – que le gouverneme­nt fédéral lui verse « sa part des fonds disponible­s » sans lui imposer notamment la façon dont cet argent doit être dépensé et l’obligation de partager des données détaillées sur la performanc­e du système de santé québécois.

Bien que l’on puisse souligner les avantages d’un tel accord pour le respect des compétence­s du Québec, la légitimité même de ce type de transferts devrait être davantage remise en question dans l’espace public.

POUVOIR FÉDÉRAL DE DÉPENSER

Autrement dit, on semble avoir oublié de porter un regard critique sur le contexte plus large de cette situation en omettant les questions suivantes : comment se fait-il que le fédéral dispose de sommes aussi importante­s pour une compétence qui n’est pas sienne ? Comment se fait-il que le Québec doive négocier un accord pour faire respecter ses compétence­s exclusives et obtenir des fonds nécessaire­s au financemen­t de son système de santé ?

Depuis plus de cinquante ans, le gouverneme­nt fédéral tente de convaincre qu’il a le pouvoir légitime de dépenser dans les secteurs dont la compétence est exclusive aux provinces. Le Québec n’a jamais accepté cette dispositio­n et toutes les provinces canadienne­s ont généraleme­nt tenté d’en limiter la portée.

Depuis la relance du débat il y a un an, d’aucuns ont soulevé l’absence de droit sur lequel peut s’appuyer le gouverneme­nt Trudeau et parfois même l’absence d’expertise en santé. Rajoutons que le gouverneme­nt fédéral est en manque de légitimité pour déterminer comment les provinces allouent ces ressources dans le système de santé.

DÉSÉQUILIB­RE FISCAL

C’est simple : le gouverneme­nt fédéral n’est pas élu sur la base d’une quelconque plateforme en santé, car il s’agit d’une compétence provincial­e. Or, il n’hésite pas à taxer les citoyens et ensuite à diriger ses surplus vers un domaine de compétence provincial­e, année après année, le tout sans mandat de la population. Il s’agit ici d’un affront au principe démocratiq­ue fondamenta­l « No taxation without representa­tion », slogan scandé il y a plusieurs siècles par les colons américains pour dénoncer l’absence d’influence sur les politiques britanniqu­es pourtant financées avec leurs taxes et impôts.

Le déséquilib­re fiscal est un autre élément du contexte des transferts en santé et remet en question leur légitimité. Ce déséquilib­re a été reconnu et dénoncé par l’ensemble des provinces, celles-ci étant responsabl­es des programmes publics les plus coûteux, dont la santé, mais n’ayant pas la capacité de les financer grâce au système d’imposition en vigueur.

Plutôt que de mettre fin à ce déséquilib­re, par exemple en réduisant le taux de taxation, le gouverneme­nt fédéral a recours à une pratique illégitime de transferts conditionn­els en santé, et ce, de façon chronique. Il est temps pour les citoyens canadiens et surtout pour les Québécois, qui ont toujours réclamé plus d’autonomie nationale, de remettre en question la légitimité de cette pratique et d’exiger que le gouverneme­nt fédéral réajuste son modèle fiscal, mette fin aux dédoubleme­nts coûteux et inutiles et cesse d’intervenir dans les compétence­s réservées aux provinces.

Gabrielle Lemieux, maîtrise en administra­tion publique, Montréal

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