Le Journal de Montreal

Une éclipse magique, émouvante, mystique

- Josée Legault Politologu­e, auteure, chroniqueu­se politique

Magique. Émouvante. Mystique. Malgré un long tapage médiatique qui en avait découragé plusieurs, finalement, l’éclipse solaire totale du 8 avril a fait courir les foules. Surtout, elle les aura émerveillé­es.

Des parents en parleront fièrement un jour avec leurs petits-enfants et leurs enfants, avec les leurs. Comme plein d’autres, toutefois, je fais partie de ceux qui n’ont pas eu la chance de l’admirer.

Bref, comme les élèves de la moitié des écoles du Québec, privés d’un des plus beaux moments de leur vie par des directeurs paresseux et un ministère englué dans sa propre incompéten­ce.

Comme ces prisonnier­s qu’on a enfermés dans leur cellule. Comme les malades hospitalis­és. Comme les résidents de CHSLD et d’autres « milieux de vie » où l’on vit pourtant si peu. Comme tous ceux obligés d’être au boulot.

Pour ma part, même si j’ai passé des jours à tenter de calmer ses peurs de l’éclipse, ma petite soeur Manon, qui a une déficience intellectu­elle, n’a rien voulu savoir. Ce que j’ai respecté, il va sans dire.

À l’impossible nul n’étant tenu, cette éclipse, nous l’avons donc regardée à la télé. Pendant même que devant chez nous, dans un parc, des centaines de personnes la regardaien­t tout droit comme pour nous narguer...

ENVAHIE SOUDAINEME­NT

À ma grande surprise, en voyant la Lune recouvrir lentement le Soleil, j’ai été envahie soudaineme­nt par la même vague d’émotions. Impossible d’y résister. L’émotion était trop vive, presque primale.

J’ai été émerveillé­e. J’ai pleuré. Écran de télé ou non, je me sentais comme si j’étais plantée directemen­t devant ce miracle cosmique. Pendant quelques minutes, je me suis sentie partie de notre humanité partagée, éternelle, connectée à l’univers.

On se sent tout petits devant l’éclipse, mais en même temps, on ne sait pas comment, elle nous aspire dans son immensité et son intemporal­ité.

Tant de beauté. Tant de mystère. Et cette science, précieuse, capable de nous le rendre intelligib­le.

Mais d’où venaient autant d’émotions ? Des tréfonds de notre mémoire collective millénaire enfouie dans nos montagnes d’obligation­s « modernes » ?

DANS LA LUMIÈRE

De cet enfant qui sommeille en nous malgré nos épreuves d’adultes ? D’un besoin profondéme­nt humain de se projeter dans l’au-delà sidéral ? Qui le sait vraiment ?

Au moment de l’éclipse, de sa magnifique bague de diamant et du retour progressif du Soleil, j’y ai vu aussi la plus belle des métaphores.

J’y ai vu l’image de notre passage de la lumière de la vie à l’obscurité et la froideur de la mort, suivi d’une renaissanc­e, d’un retour, sous une autre forme, à une lumière et une chaleur plus vives, plus essentiell­es que jamais.

Comme plusieurs autres, j’en suis sûre, j’ai pensé à tous mes anges qui, quelque part làhaut, avaient les meilleurs sièges au monde pour admirer le plus beau des spectacles célestes.

J’ai pensé à ma mère, toujours présente dans mes pensées. À des amies adorées, parties beaucoup trop tôt de cette terre. À mon ami de toujours, dont le grand coeur, il y a deux mois à peine, a cessé subitement de battre.

J’ai pensé à eux. Baignés dans la lumière qui, dès après l’éclipse de la mort, revient encore plus majestueus­e. À bien y penser, il est peutêtre là, dans ce goût d’éternité terré au fin fond de nos êtres, le vrai miracle de l’éclipse.

Et ma petite soeur ? Me voyant émue, elle m’a dit qu’elle n’aurait plus peur des éclipses. Une excellente nouvelle. Pour la prochaine, dans une autre vie, nous aussi, nous aurons les meilleurs sièges de l’univers pour l’admirer...

 ?? ??
 ?? ?? On se sent tout petits devant l’éclipse, mais en même temps, on ne sait pas comment, elle nous aspire dans son immensité.
On se sent tout petits devant l’éclipse, mais en même temps, on ne sait pas comment, elle nous aspire dans son immensité.

Newspapers in French

Newspapers from Canada