Le 2,5 G$ de la Caisse dans Jebel Ali critiqué
Un expert est d’avis que l’institution « fuit le vrai débat »
« On joue sur les mots. C’est de l’enfumage », dénonce l’expert en paradis fiscaux Franck Jovanovic, qui voit mal comment la Caisse peut à la fois encourager « les meilleures pratiques fiscales » et investir 2,5 G$ US dans la zone franche de Jebel Ali.
Mercredi dernier, la Caisse de dépôt et placement du Québec a publié un rapport dans lequel elle réitère son « engagement pour encourager les meilleures pratiques fiscales au sein de ses entreprises en portefeuille, y compris le respect d’un taux minimal d’impôt de 15 % ».
Or, la Caisse a annoncé un investissement de 2,5 G$ US en 2022 pour acheter 22 % du port, de la zone franche de Jebel Ali et de son parc industriel, aux Émirats arabes unis (EAU), qui cherchent à attirer les investissements étrangers en offrant « 0 % d’impôt corporatif à payer durant 50 ans ».
Interrogé par Le Journal l’an dernier, le PDG de la Caisse, Charles Emond, avait rétorqué qu’« une zone franche, ce n’est pas la même chose qu’un paradis fiscal ».
« C’EST DE L’ENFUMAGE »
Or, si des experts comme Julien Frédéric Martin, professeur au Département des sciences économiques à l’ESG-UQAM, sont plutôt d’accord avec la Caisse qu’une zone franche « n’est pas un conduit pour éviter l’impôt » et qu’« il y a l’équivalent de ces zones aux É.-U. et qu’elles ne sont pas considérées comme des paradis fiscaux », d’autres ne partagent pas cet avis.
C’est le cas de Franck Jovanovic, professeur à l’École des sciences de l’administration de la TÉLUQ et expert en paradis fiscaux, qui estime au contraire que la Caisse a tort ici. « On joue sur les mots. C’est de l’enfumage. On fuit le vrai débat. Une zone franche est une juridiction de complaisance dans laquelle passent les capitaux. On donne des avantages à des activités qui n’ont pas lieu là-bas », analyse-t-il.
« C’est une juridiction offshore. On offre des outils pour transformer les caractéristiques juridiques des flux financiers », ajoute l’auteur de Finance offshore et paradis fiscaux.
LA CAISSE SE DÉFEND
Hier, la Caisse s’est une fois de plus défendue en disant qu’il y a des zones franches dans plusieurs pays, dont le Canada, « pour favoriser les échanges commerciaux internationaux et le développement des industries liées à la logistique ».
Sa porte-parole Kate Monfette a indiqué que « la zone franche de Jebel Ali est un hub d’échanges commerciaux (import/export) ».