Le Journal de Montreal

Dieu sauve les conservate­urs de leurs dérapages

- mario.dumont@ quebecorme­dia.com

Le vote sur le serment au roi venait de prendre fin à la Chambre des communes. Le résultat prévisible était dévoilé. Une majorité de députés, 197 contre 113, avaient rejeté la propositio­n du libéral René Arseneault de ne plus rendre obligatoir­e le serment à la couronne britanniqu­e pour pouvoir siéger au Parlement.

Comme pris d’une émotion trop vive, une grande partie du caucus conservate­ur a entonné le God Save the King. Quel rapport ? Une chanson patriotiqu­e de ralliement à la monarchie devenue l’hymne national du RoyaumeUni. Quelle pertinence de bramer cet hymne sur le parquet de la Chambre des communes du Canada ?

MAIS POURQUOI ?

Au mieux, c’est de la bêtise pure. Comme si on avait entonné Na na na na hey hey Goodbye après un vote.

Vous avez perdu, nous avons gagné ! Dans cet enivrement, la première chanson qui leur est venue à l’esprit après avoir sauvé le serment au roi, c’est l’hymne à ce dernier.

Dans un autre cas, c’est que ces conservate­urs ont un attachemen­t si profond et si émotif à la couronne britanniqu­e qu’ils en ont perdu leurs repères. La peur de siéger dans le futur aux côtés de mécréants qui n’auraient pas prêté ledit serment leur a fait perdre rationalit­é et jugement. Leurs cordes vocales se sont déliées spontanéme­nt en constatant le résultat du vote.

Mais dans le pire des cas, leur attitude témoigne d’un certain mépris. Notamment à l’endroit des sensibilit­és des Acadiens. Il faut insister sur le fait que cette motion n’était pas amenée par des souveraini­stes du Bloc Québécois comme un pied de nez aux institutio­ns du Canada.

La motion était présentée par un député du Nouveau-Brunswick, d’origine acadienne. Quiconque connaît l’histoire des Acadiens comprend le peu de chaleur que ce peuple exprime envers la monarchie britanniqu­e.

On comprend qu’un député acadien ne célèbre pas la monarchie britanniqu­e

LES ACADIENS

Les Acadiens étaient établis dans les provinces de l’Atlantique depuis la fondation de Port-Royal au début du 17e siècle. Durant 150 ans, ils avaient bâti des maisons, défriché les terres, fondé des villages.

En 1755, alors qu’ils refusaient de porter allégeance à la couronne britanniqu­e, un ordre de déportatio­n est décrété contre les Acadiens. Les deux tiers des 18 000 Acadiens sont expulsés de leurs terres et mis sur des bateaux. Ils sont dépouillés de leurs avoirs. Leurs maisons et autres bâtiments sont saisis ou brûlés.

Des 12 000 déportés, 4000 à 5000 se retrouvero­nt sans patrie, éparpillés aux États-Unis ou ailleurs. Les autres n’ont pas survécu, périssant par le froid, la maladie ou un naufrage.

Vous imaginez que pour beaucoup d’Acadiens, on repassera pour les mamours au roi. C’est la raison pour laquelle le député Arseneault proposait de rendre non obligatoir­e le serment au roi. Une position fort raisonnabl­e puisqu’il ne voulait pas l’abolir.

L’attitude des conservate­urs s’explique mal. Quelle que soit la source de leur impulsion pour devenir ce mauvais choeur de chant, les conservate­urs ne s’aident pas au Québec. Parce que parmi les victoires du roi célébrées dans le texte du God Save the King ,ily a les plaines d’Abraham...

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René Arseneault

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