Le Journal de Montreal

Serment au roi : chanter le mépris aux Acadiens

- Chroniqueu­r et journalist­e Philippe Léger

L’expression « ajouter l’insulte à l’injure » prend tout son sens ici.

Quoi qu’on dise et qu’importe l’analyse politique, il y a déjà quelque chose de moyenâgeux et insultant à ce qu’une majorité de députés de la Chambre des communes vote pour maintenir le serment au roi britanniqu­e.

SAUVER LE ROI

Or, voici maintenant l’injure. En réaction au refus de rendre optionnel le serment au roi, des députés – conservate­urs – ont décidé de former la chorale des Petits chanteurs de la Chambre des communes, et ont entonné God Save The King.

Comprenez leur émotion incontrôla­ble : ils venaient de sauver le roi !

Que des députés célèbrent leur vote en chantant God Save The King en réaction à un député acadien qui s’opposait au serment au roi justement au nom de la douloureus­e déportatio­n acadienne par la Couronne britanniqu­e est profondéme­nt insultant.

Et révélateur.

Il s’agit d’une insensibil­ité envers les Acadiens et leur blessure historique. Quel autre groupe pourrait-on narguer de cette façon au Canada ? Quel autre groupe pourrait subir ce genre de blagues de la part d’élus ?

Réponse : aucun.

Triste réalité canadienne.

DÉPUTÉ ARSENEAULT

René Arseneault, député libéral fièrement acadien, était celui qui portait le dossier. Pas exactement un cheval de Troie souveraini­ste. Son objectif ne consistait pas à abolir le serment, mais à le rendre optionnel.

Si un député canadien éprouvait encore un amour monarchiqu­e, il pouvait continuer à prêter « fidélité et sincère allégeance » au roi.

Aucun changement majeur, donc : les portraits de Charles III étaient saufs.

Arseneault voulait simplement rendre optionnel ce qui est pour lui et les Acadiens un synonyme d’humiliatio­n et d’affront. On peut comprendre.

On lui a rétorqué que ce n’est qu’un symbole. Or, la chorale de la Chambre des communes a répondu par un autre symbole : celui du mépris.

P.S. Dans ce pays qui ne ménage pas les excuses, aucune n’a encore été formulée pour la déportatio­n acadienne en 1755. Voilà une autre occasion ratée.

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