Le Journal de Montreal

Serge Postigo a des couilles

- Sophie Durocher sophie.durocher@quebecorme­dia.com

Au cours des derniers jours, j’ai ri très fort à des blagues sur les Juifs, sur les nazis, sur les gays, sur les vieux, sur les femmes, sur les aveugles... et sur les gens en fauteuil roulant.

Hé que ça a fait du bien de rire à gorge déployée sans me sentir coupable !

HEIL L’HUMOUR !

J’ai adoré l’absence de rectitude politique de la comédie musicale Les producteur­s (mise en scène, traduite et adaptée par Serge Postigo, qui y tient la vedette en jouant, en chantant et en dansant).

« C’était tellement vulgaire que Mike Ward était choqué ». Cette réplique m’a fait hurler de rire. Faire une référence au provocateu­r-en-chef dans une adaptation québécoise d’une comédie musicale écrite par un juif (Mel Brooks) dans les années 1960, faut le faire !

Dans ce spectacle complèteme­nt déjanté, on voit des pigeons faire le salut nazi, des vieilles femmes cochonnes sauter sur des p’tits jeunes et des « grandes fofolles » en string de cuir. Mais il n’y a là absolument rien d’offensant ! N’appelez pas la Gestapo du rire, svp !

Si ce n’était fait avec autant de dérision, ce serait profondéme­nt malaisant. Mais Postigo (qui a des couilles d’aller aussi loin) compte sur l’intelligen­ce du public québécois et sa capacité à comprendre le second degré.

Même chose pour la série télé Vestiaires (diffusée à AMI-télé), qui met en scène des (vraies) personnes handicapée­s dans des situations hi.la.ran.tes.

Oui, on rit des cris d’une femme qui a le syndrome de Tourette ! Oui, on rit de l’oeil de verre de Dominic Sillon (du duo Dominic et Martin) ! Oui, on rit du petit bras de Charlie Rousseau, une comédienne fabuleuse atteinte de malformati­on congénital­e. Et oui, on rit du corps différent de Michel Cordey, un comédien époustoufl­ant atteint de la maladie des os de verre.

Les personnes handicapée­s ne sont pas des petits êtres fragiles qu’on doit surprotége­r, bordel !

J’ai beaucoup plus ri en un épisode de Vestiaires qu’en une heure et demie de Katherine Levac. Alors que les personnes handicapée­s de Vestiaires manquent de membres (il leur manque un oeil, un bras, une jambe...), Levac, qui a tous ses membres, n’arrête pas de parler de son anatomie.

De son front botoxé, de ses petits seins qui se vident comme des poches de thé. Et de sa « noune ».

Sa « noune » tellement « lousse » qu’elle en perd sa Diva Cup.

Elle nous décrit la taille des caillots de sang qui sortent de sa « noune » quand elle recommence à être menstruée après son accoucheme­nt.

Elle nous parle du fait qu’une fois enceinte elle a été constipée et qu’elle avait l’anus fissuré.

Elle est donc passée d’une « noune » qui saigne (avant l’arrêt des menstruati­ons pendant la grossesse) à un anus qui saigne.

Même Louis Morissette est obsédé par sa bizoune. Dans une série de blagues que l’auguste Devoir a qualifiées de « gags d’une débilité navrante », Morissette nous raconte que quand il prend des antidépres­seurs, il bande dur dur, mais qu’il ne vient pas (et il nous mime sa façon de ramoner Véro).

À QUELLE HEURE LE PUNCH ?

Chacun son humour. On n’est pas tous obligés d’aimer les mêmes blagues.

Mais en cette ère de rectitude politique, je trouve bien plus « audacieux » l’humour grinçant de Serge Postigo (et Mel Brooks) et des handicapés de Vestiaires que l’humour consensuel de Levac et de Morissette.

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