Le Journal de Montreal

De « God Save the King » à la laïcité

À Ottawa et à Québec, les députés s’émeuvent pour des raisons différente­s.

- Philippe.leger @quebecorme­dia.com

Après avoir sauvé l’honneur de la monarchie au Canada en refusant de rendre optionnel le serment au roi à l’initiative d’un député acadien, bien des députés conservate­urs du Canada anglais n’ont pas pu s’empêcher de pousser la note avec un God Save the King. Goguenards au possible.

Que voulez-vous, comme le disait Jean Chrétien, les émotions étaient trop fortes !

Or, tandis qu’on célébrait notre lien monarchiqu­e à Ottawa, l’atmosphère était autre à Québec.

Gabriel Attal, premier ministre français, livrait un puissant plaidoyer en faveur de la laïcité au Salon bleu. D’un trait – que voulez-vous, les émotions ! –, la plupart des députés québécois se sont levés pour l’ovationner.

Un moment de communion, qui nous sortait de notre grande solitude nord-américaine quant à notre modèle laïque de vivre-ensemble.

Ces deux événements se sont donc liés naturellem­ent. Le contraste entre les deux capitales était puissant. Les deux solitudes s’exprimaien­t sans le vouloir.

Et ceci me trotte en tête : alors que les opposants à la laïcité québécoise dans le Canada anglais faisaient le procès de la loi 21 en la qualifiant comme quelque chose de discrimina­toire, de passéiste et de « lâche » pour reprendre le ministre fédéral Marc Miller, il y avait quelque chose de résolument archaïque à la Chambre des communes d’Ottawa et de résolument moderne au Salon bleu à Québec. Douce ironie.

DISCOURS D’ATTAL

Les Français maîtrisent l’art oratoire et la justesse des mots. C’est dans leur culture politique.

Le premier ministre Gabriel Attal n’a pas fait exception à la règle. Il a livré un vibrant plaidoyer de ce que nous avons en commun avec la France, à commencer par le choix légitime de la laïcité.

Je disais, la justesse des mots : « Face à ceux qui font mine de ne pas comprendre ce qu’est la laïcité, qui voudraient la détourner, faire croire qu’elle est une forme d’arme antireligi­on, faire croire qu’elle est une forme de négation des religions, faire croire qu’elle est une forme de discrimina­tion, nous répondons que la laïcité est la condition de la liberté, est la condition de l’égalité, est la condition de la fraternité. »

Voilà.

Qu’un jeune politicien nous rappelle cette vérité fondamenta­le avait quelque chose de rafraîchis­sant. Il arrive qu’à force de débattre d’un enjeu, on en oublie les raisons fondamenta­les. Attal nous rappelait ces raisons.

NOTRE LAÏCITÉ

La Loi sur la laïcité de l’État a été adoptée en 2019. D’accord ou pas avec la loi, elle a calmé les tensions dans notre demi-pays. Elle a permis de cicatriser les déchiremen­ts difficiles des 20 dernières années. Nous sommes arrivés à un consensus. Le gouverneme­nt Legault l’a appliqué.

Il est ironique que ceux qui la contestent encore aujourd’hui devant les tribunaux soient les mêmes que ceux qui avançaient qu’elle divisait. Ils prolongent la division.

Notre laïcité n’est certaineme­nt pas la même qu’en France. Même si elle a l’esprit français, elle n’a ni la même rigidité ni la même portée.

Par sa clarté, son consensus et sa modernité, cette loi est une réussite.

Qu’un politicien extérieur à nos débats nous le rappelle fait du bien.

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