Le pire endroit après la bande de Gaza
Des travailleurs humanitaires racontent l’enfer qu’ils vivent à Port-au-Prince devant les affrontements armés
AFP | Balles perdues dans les hôpitaux, kidnappings, risque de famine, pénuries... des travailleurs humanitaires racontent le « désastre » de Port-au-Prince et « l’héroïsme » de leurs pairs, soumis selon eux à un niveau de danger faisant d’Haïti le pire endroit pour leur profession après Gaza.
La capitale haïtienne, un mois et demi après des attaques coordonnées des gangs armés, est « une prison à ciel ouvert, une ville complètement enclavée », dans un pays où « il n’y a plus de gouvernement, plus d’État », s’effraie auprès de l’AFP Sarah Chateau, responsable du programme Haïti pour Médecins sans frontières (MSF).
Les trois millions d’habitants de Portau-Prince et sa périphérie sont « pris au piège », poursuit-elle.
Rappelons que les puissants gangs haïtiens se sont associés fin février pour attaquer postes de police, prisons, et infrastructures majeures afin d’évincer le premier ministre Ariel Henry, qui a annoncé sa démission le 11 mars.
Les plus grands port et aéroport du pays sont empêchés de fonctionner, bloquant tout ravitaillement. Les routes permettant d’entrer ou sortir de la ville sont tenues par les mêmes groupes violents.
« On a une collègue qui a récemment voulu sortir de Port-au-Prince pour aller voir son fils en province. Elle s’est fait kidnapper pendant cinq jours », raconte Mme Chateau, qui mentionne « deux enlèvements et deux tentatives d’enlèvement » au total contre des personnels de MSF.
La capitale vit un « désastre humanitaire », observe la cadre de Médecins sans frontières, plus grosse organisation non gouvernementale (ONG) engagée en Haïti, avec 1500 salariés, et dont quatre hôpitaux à Port-au-Prince ont traité plus de 400 blessés par balles ces dernières semaines.
UNE NORMALITÉ DES CADAVRES
« Il m’est arrivé d’avoir peur », témoigne Carlotta Pianigiani, coordinatrice des urgences pour l’ONG africaine Alima, qui affirme n’avoir « jamais été confrontée à un niveau de violence aussi fort ».
« En Haïti, on voit des choses qu’on ne voit pas ailleurs. Il y a une sorte de normalité à se retrouver face à des cadavres dans la rue », narre-t-elle à l’AFP.
« Si la gestion du risque est totalement différente entre Haïti et Gaza, entre des attaques aériennes et des attaques frontales, ce sont les deux endroits où il est le plus dangereux d’intervenir pour des organisations humanitaires », insiste-t-elle.
William O’Neill, expert désigné pour Haïti par le Haut-Commissaire onusien aux droits de l’Homme, s’effraie de la présence d’« enfants-soldats » dans la capitale. Des jeunes ados, qui auparavant servaient de « messagers ou de guetteurs », mais qui selon lui tiennent désormais de « grosses armes ».