Le Journal de Montreal

« J’ai pu dire à ma mère que je l’aimais avant qu’elle décède »

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Quel comédien peut jouer Cyrano de Bergerac, Macbeth ou Othello au théâtre, remporter des MétroStar et des Gémeaux pour ses différents rôles à la télévision, un prix Jutra comme meilleur acteur, sans oublier son exceptionn­elle interpréta­tion de « Méo » dans le film Les Boys ? Qui d’autre que Pierre Lebeau, qui a reçu le prix des Amériques pour l’ensemble de sa carrière cinématogr­aphique.

Il est fier de ses réalisatio­ns, mais comme il le dit, il y a un prix à payer, qui n’est pas toujours joyeux. Il est tant débordé par son travail qu’il lui est difficile de partager sa vie avec quelqu’un pendant de longues périodes. L’amitié est très importante pour lui, et, croit-il, il ne faut surtout pas hésiter à dire à quelqu’un qu’on l’aime, car on peut ne jamais avoir une deuxième chance d’exprimer ses sentiments. Dernièreme­nt, il a été attristé par la mort de sa mère, mais heureuseme­nt, il lui a dit qu’il l’aimait la dernière fois qu’il l’a vue.

Exprimer ton amour, c’est important pour toi.

C’est tellement important ! La santé de ma mère était fragile et chaque fois que la voyais, dont la dernière fois avant son décès, je lui disais comment je l’aimais.

Tu as pu dire à Paul Houde que tu l’aimais.

Qui aurait cru que lors de la soirée de retrouvail­les des Boys c’était pour être la dernière fois que je voyais Paul de son vivant. Heureuseme­nt, il a su que je l’aimais.

L’influence de tes parents, Gérard et Thérèse.

Jeune, on a tendance à ne pas mettre en pratique les conseils de nos parents. En vieillissa­nt, je me suis aperçu que mon père m’a appris à prendre des risques, car il n’y avait rien d’impossible dans la vie.

Tu as beaucoup lu quand tu étais jeune.

Maman voulait que je découvre la beauté de la culture et de littératur­e. Elle m’accompagna­it pendant que je lisais Les Misérables ou Notre-Dame de Paris. Ma mère m’a enseigné qu’il n’y avait pas de demi-mesures si je voulais réussir dans la vie. Mes parents n’ont pas insisté pour que je devienne un médecin. Cependant, ils désiraient que je sois heureux dans ce que je voulais faire.

Ton père était un homme jovial.

Tellement que lors d’une soirée du lancement du film Séraphin à SaintHyaci­nthe, lorsque je l’ai présenté, il s’est levé pour saluer le monde comme un pape de son balcon au Vatican.

La Roulotte, l’oeuvre de Paul Buissonnea­u.

La Roulotte était un théâtre ambulant pour les jeunes qui se promenait dans les parcs de Montréal durant l’été. J’avais à peine 4 ou 5 ans quand je suis allé voir cette pièce de théâtre avec ma mère. Ce fut sans aucun doute mon coup de foudre pour le théâtre, que j’ai avoué plusieurs années plus tard à Paul lorsque nous étions sur une scène de théâtre.

Tu as deux soeurs.

J’étais très attristé par le décès de ma soeur Sylvie, qui a été emportée par un cancer fulgurant. Mon autre soeur, AnneMarie, est une bougie de bonheur.

« MES PARENTS ONT TOUJOURS CRU EN MOI » – Pierre Lebeau

Ta timidité t’a permis d’amorcer ta carrière de comédien.

J’étais au secondaire et le professeur a demandé aux jeunes qui voulaient faire partie de la troupe de théâtre de demeurer en classe après son cours.

Et tu es resté.

Oui, mais pas pour cette raison. J’avais déchiré mon sac d’école et je devais ramasser mes livres. Le prof, qui m’aperçoit dans la classe, est heureux que je désire jouer dans la pièce. Trop timide pour lui dire non, ce fut le début de ma carrière de comédien.

Tu fréquentai­s le Collège de Longueuil.

J’ai découvert l’art du cinéma. En revanche, j’avais un problème comme étudiant externe. Tous les jours, je prenais l’autobus aller-retour à Villeray, je retournais plus souvent qu’autrement plus tard que l’heure prévue, car je faisais de la retenue à écrire 500 fois : « Dorénavant, je parlerai moins en classe. »

Tu es allé à l’École nationale de théâtre.

Immédiatem­ent après ma première audition, le réputé comédien Jean-Louis Millette m’a dit de ne pas appliquer ailleurs, car j’avais été accepté. Beaucoup d’entraîneme­nt dans le gymnase, contrairem­ent à ce que pensent les gens.

Tu as quelque chose en commun avec le frère Marie-Victorin et l’ancien maire de Montréal, Camillien Houde.

J’ai fréquenté le même collège. Cependant, dans la pièce Camillien Houde, j’ai incarné l’ancien maire de Montréal.

Tes emplois d’été.

Nous n’étions pas trop fortunés. Pour la somme de 10 ¢, je me baignais à la piscine municipale de 14 h à 21 h. J’ai travaillé pour un agriculteu­r à couper du blé d’Inde au marché, et à l’âge de 16 ans, je voyageais avec mon scooter pour travailler à Saint-Lambert comme préposé à l’entretien des terrains des tennis.

À 14 ans, tu jouais dans une pièce avec Marc Messier.

Étant donné que j’avais 14 ans, j’étais payé 7,50 $ par représenta­tion. Et Marc Messier, étant plus vieux que moi, gagnait 11 $ par représenta­tion.

Quel était le titre de la pièce ? Monsieur Soleil et le Méchant Vent.

Qui croyez-vous jouait le rôle du Méchant Vent ? Vous avez raison, c’est nul autre que Marc Messier. Notre amitié dure depuis plus de 50 ans. À l’occasion, quand je joue dans une pièce avec lui et si je me tourne trop rapidement vers lui, je vois le Méchant Vent dans mes yeux.

La réalité de la vie et « Méo ».

Les gens ne font pas la différence entre la réalité et le rôle que j’incarne, « Méo », dans Les Boys .Je leur dis que mon nom est Pierre. La personne s’excuse et, en quittant, sans aucune malice, me dit tout simplement : « Content de t’avoir vu, Méo. » La morale de l’histoire : je dois accepter de me faire interpelle­r à l’occasion par un « Salut Méo ! » au lieu de Pierre.

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PHOTO D’ARCHIVES, MARTIN ALARIE Pierre Lebeau lors du lancement de la saison du Théâtre du Nouveau Monde, le 2 avril 2019.

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