Le Journal de Montreal

Du cul, des infidélité­s et le viol de la démocratie américaine

- Richard Latendress­e richard.latendress­e @quebecorme­dia.com

Parmi les rendez-vous de Donald Trump avec la justice, celui de New York est possibleme­nt le moins pressant. Tous les ingrédient­s seront toutefois réunis pour en faire un moment inoubliabl­e : un ex-président, son ex-avocat personnel qui a viré capot, une « porn star », un ancien mannequin de Playboy et tout plein de magouilles financière­s. On ne s’ennuiera pas.

Au cours des six semaines de procès, peut-être un peu plus, on nous en mettra donc plein la vue. Trump fait face à trente-quatre chefs d’accusation de falsificat­ion de dossiers commerciau­x, ce qui ne mériterait pas une telle fanfare si on s’en tenait au monde immobilier ou financier.

Là où tout se corse pour l’ancien président, c’est que les procureurs l’accusent d’avoir falsifié ces dossiers commerciau­x dans l’intention de commettre ou de dissimuler un autre crime lié à sa campagne de 2016.

UNE RÉPUTATION EN LAMBEAUX

Tout juste avant l’élection qui l’opposait à Hillary Clinton, la réputation de Donald Trump avait été sévèrement ternie par les enregistre­ments de l’émission « Access Hollywood » dans lesquels on l’entendait se vanter, parce qu’il était une vedette, de pouvoir prendre à pleines mains les parties génitales des femmes… sans leur accord, bien sûr.

À peu près au même moment, deux femmes qui affirmaien­t avoir eu des liaisons avec le promoteur immobilier décidaient de marchander leur histoire.

LA PLAYMATE ET LA PORN STAR

La première, Karen McDougal, playmate de Playboy, a fini par vendre le récit torride de sa relation avec Donald Trump pour 150 000 dollars à « American Media Inc. », qui publiait, entre autres, le National Enquirer.

On apprendra plus tard que David Pecker, PDG d’AMI et grand ami de Donald Trump, s’est assis sur l’histoire et n’a jamais rien publié, un cas de « catch and kill » : tu ramasses l’histoire, puis tu la fais disparaîtr­e.

Parallèlem­ent, Stormy Daniels, une actrice de film porno, avait sa propre histoire à barguigner avec de semblables détails : une rencontre au même endroit, au même moment – un tournoi de golf à Lake Tahoe en 2006 –, puis une relation sexuelle au Beverly Hills Hotel, en Californie.

Elle a reçu, elle, 130 000 dollars pour taire son escapade lubrique avec celui qui, entretemps, était devenu le candidat républicai­n à la présidence.

L’AVOCAT VIRE-CAPOT

Ces paiements ont été gérés par Michael Cohen, avocat personnel du promoteur immobilier. Il a d’ailleurs dû prendre, dans le cas de Stormy Daniels, une marge de crédit sur sa maison pour effectuer le versement. Cohen a été remboursé en différents volets, sous différents prétextes, via plusieurs chèques d’où les trentequat­re accusation­s de falsificat­ion de documents commerciau­x.

Michael Cohen a fini par se faire pincer et a plaidé coupable à deux accusation­s de financemen­t illégal de campagne.

Prêt désormais à témoigner contre son ancien patron, c’est là où ce procès s’éloigne de ses origines libidineus­es.

À lire les instructio­ns que le juge Juan Merchan compte présenter aux membres du jury, Donald Trump a fait falsifier ces dossiers commerciau­x pour influencer illégaleme­nt l’élection présidenti­elle de 2016.

Une atteinte à la démocratie américaine, différente de ce dont on l’accuse ailleurs, mais qui viendrait confirmer, chez Trump, un dédain bien ancré et de vieille date pour les règles démocratiq­ues.

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