Le Journal de Montreal

Pourquoi le jugement européen pour le climat nous concerne aussi ?

La Cour européenne des droits de l’Homme a tranché : la Suisse est reconnue coupable d’inaction climatique.

- Laure Waridel Écosociolo­gue et cofondatri­ce d’Équiterre

Une inaction dont les conséquenc­es affectent déjà le bien-être et la santé des personnes au point de pouvoir entraîner une mort prématurée.

Ainsi, ce haut tribunal reconnaît que l’inaction climatique gouverneme­ntale porte atteinte au droit à la vie et au droit à la vie privée.

Des droits protégés par la Charte des droits fondamenta­ux de l’Union européenne.

CONTRAIGNA­NT

Pour la première fois de l’histoire, un tribunal internatio­nal oblige un pays à adopter des politiques environnem­entales plus ambitieuse­s.

Mais surtout, elle crée une jurisprude­nce qui s’applique aux 46 pays membres du Conseil de l’Europe.

Cela concerne 700 millions de personnes habitant sur un territoire de près de 7 millions de km2 qui émettent ensemble 4,9 milliards de tonnes de GES. C’est environ 9 % des émissions mondiales.

DES IMPACTS ICI

Bien que les changement­s de comporteme­nts imposés par un tribunal prennent un certain temps à être praticable­s et s’appliquent sur un territoire donné, à terme, ils auront des conséquenc­es jusqu’ici.

Par souci d’équité et de compétitiv­ité, ces 46 états européens voudront que les autres pays soient soumis à des exigences gouverneme­ntales similaires.

Cela devrait contribuer à élever les ambitions climatique­s des accords internatio­naux et ainsi accélérer la transition énergétiqu­e partout sur la planète.

Ces 46 pays auront raison d’exiger davantage de critères de performanc­es environnem­entales auprès de leurs partenaire­s commerciau­x.

Cette tendance se fait d’ailleurs déjà sentir dans plusieurs accords commerciau­x ainsi que de la part d’entreprise­s dont les actionnair­es exigent une réduction de l’empreinte carbone et de meilleures performanc­es tant sociales qu’environnem­entales.

À cet égard, le Québec pourrait en sortir gagnant considéran­t sa capacité à offrir de l’énergie renouvelab­le. Rien ne doit cependant être tenu pour acquis.

Malgré notre hydro-électricit­é et nos belles paroles, dans les faits, les émissions de GES du Québec ont augmenté au cours des dernières années.

Par habitant, un Québécois moyen émet beaucoup plus qu’un Chinois ou qu’un Indien. Et même presque deux fois plus qu’un Suisse !

La Suisse s’est fait remettre à l’ordre par la cour parce qu’elle peut et doit en faire plus. C’est tout aussi vrai pour le Québec.

VIOLATION DE DROITS DE LA PERSONNE ICI AUSSI

Il serait temps que nos tribunaux reconnaiss­ent qu’ici aussi l’inaction climatique viole le droit à la vie et d’autres droits de la personne fondamenta­ux protégés par nos chartes.

Certaines causes sont d’ailleurs devant les tribunaux et pourraient forcer les gouverneme­nts à agir.

Les données scientifiq­ues sont claires quant aux conséquenc­es de notre inaction climatique sur notre bien-être et notre santé de même qu’à notre droit à un environnem­ent sain et respectueu­x de la biodiversi­té.

On le vit déjà et on sait que ce sera pire pour nos enfants et petits-enfants.

Nos gouverneme­nts le savent très bien. Leur vision est cependant trop à court terme pour agir avec l’ambition nécessaire. C’est justement pour cela que les tribunaux doivent intervenir.

C’est à eux qu’incombe la responsabi­lité de défendre nos droits fondamenta­ux.

Il n’est pas trop tard pour agir. Chaque fraction de degré compte pour éviter le pire.

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