La « vocation » a le dos large
Pensez au métier actuel que vous faites ou à celui que vous souhaiteriez faire. Vous est-il déjà arrivé, d’un côté, de vous faire dire par des gens que « ça sera difficile » et de l’autre, que « c’est le plus beau métier du monde » ? Probablement.
Avant de poursuivre votre lecture, je tiens à dire que j’ai extrêmement hâte d’être enseignante et que je sens réellement que ce métier est fait pour moi.
Toutefois, j’ai envie d’aborder l’envers de la médaille, qui, malheureusement, est encore tabou tant chez certains futurs enseignants que chez d’autres déjà en place et dont la société parle peu : le poids de la « vocation ». Je parlerai ici avec mes yeux de future enseignante.
ATTENTES MULTIPLES
Premièrement, j’ai envie de parler de la notion de « vocation » que l’on accole à mon futur métier. Effectivement, je suis convaincue que ce mot est symptomatique des attentes multiples que nous tenons pour acquises chez les profs.
Selon le Larousse, on parle de la vocation comme étant une « destination privilégiée [...] de quelqu’un [...] du fait de sa nature, de ses caractéristiques » ou d’un « penchant » pour une manière de vivre ou une activité. Je ne sais pas pour vous, mais nous choisissons un peu tous notre futur métier en fonction de notre « nature » et de nos « caractéristiques ».
Ce faisant, pourquoi, par exemple, n’insistons-nous pas autant sur le fait qu’être bibliothécaire peut être une sorte de vocation ? Pourtant, l’une des caractéristiques principales d’une bibliothécaire doit bien être sa passion pour la littérature et celle de la transmettre, non ?
PRENDRE UNE PAUSE
Deuxièmement, je trouve que la « vocation » nous dérobe de ce que j’appelle « le droit mental de prendre une pause ».
En théorie, notre journée se termine vers 15 ou 16 h. Parlez à un enseignant de votre entourage et vous entendrez le contraire. Nous pensons à nos élèves dans de multiples circonstances : à la librairie à feuilleter le nouvel album de l’heure, au Dollarama pour du nouveau matériel pour une activité, à l’épicerie en train d’acheter du pain et de la confiture parce que notre nouvel élève déjeune rarement, etc. Nous n’avons pas encore parlé des plans d’interventions, de la planification et des bulletins.
Le point commun de cette incapacité à prendre une pause mentale : la « vocation ». Elle est pernicieuse et se faufile dès la suppléance. J’en ai pris conscience il y a quelques semaines. Alors que j’étais fatiguée depuis plusieurs jours et me sentais coupable à l’idée de ne pas revenir remplacer le lendemain, une amie enseignante m’a dit ceci : « Ne commence pas à te sentir coupable à ton âge, Victoria. Tu es bien trop jeune pour te sentir comme ça ! » Bien que banales pour certains, ces paroles m’ont permis de prendre conscience du pouvoir drainant de la « vocation », mais aussi de celui d’un système éducatif qui en est rendu à demander un « adulte » par classe.
Bref, bien humblement et du haut de mes trois ans de suppléance, j’espère vous avoir sensibilisé ne serait-ce qu’un tantinet au poids de la « vocation » chez nos profs. À l’ère où nous parlons de la transmission de saines habitudes de santé mentale à nos jeunes, pourquoi ne pas prêcher par l’exemple en le montrant aussi à nos enseignants ? Victoria St-Onge, étudiante au baccalauréat en enseignement en adaptation scolaire et sociale, suppléante depuis 3 ans