Le Journal de Montreal

À Laval, on fait la promotion des bagarres

- Jean-Nicolas Blanchet jean-nicolas.blanchet@quebecorme­dia.com

Pas d’hypocrisie, pas de double discours, pas de niaisage : à Laval, ça se bat et c’est parfait comme ça.

Ils s’en fichent éperdument si ça dérange. Ils s’assument et ne se cachent pas.

Vendredi soir, à Laval, c’est le match numéro trois de la série demi-finale de la Ligue nord-américaine de hockey (LNAH). Elle oppose le 3L de Rivièredu-Loup et les Pétroliers de Laval.

Pour faire la promotion de ce match, les Pétroliers ont écrit sur leur page Facebook ceci :

« Oyez oyez… Laval Nation, vous êtes tous conviés au Colisée demain soir pour le match 3 de cette série 4 de 7. BRETT GALLANT et JONATHAN FORTIER seront de retour dans la formation. »

BEAUCOUP DE POINGS

Vous vous en doutez, Gallant et Fortier n’ont pas le coup de patin de Pavel Bure ou le lancer de Brett Hull.

Gallant, 35 ans, a joué 4 matchs dans la LNH avec les Islanders il y a 10 ans.

Depuis 15 ans dans le hockey profession­nel, il a joué 568 matchs et récolté 1885 minutes de punitions. Il a marqué 26 buts.

Jonathan Fortier, lui, a 34 ans et évolue aussi pour Laval. Il a joué 82 matchs dans le hockey sénior depuis 2018. Il totalise 553 minutes de punitions et 0 point.

Bref, tout le monde comprend qu’ils sont là pour se battre. C’est tout. Et c’est en faisant leur promotion que les Pétroliers remplissen­t leur aréna que l’équipe appelle encore House of pain.

Sur leur page Facebook, on peut y voir les résumés des matchs, des bagarres, les annonces des bagarreurs qui seront en uniforme et même des photos d’enfants qui encouragen­t l’équipe.

C’est une publicatio­n concernant ce sujet sur Facebook du sympathiqu­e animateur de radio de CIEL FM (Rivière-du-Loup), Kévin Beaulé, qui m’a interpellé.

« Ça fait ligue semi-pro en 2001 […] Laval poursuit la tradition de faire reculer la Ligue », a-t-il écrit, dénonçant qu’on tente de présenter du bon hockey comme un cirque.

C’est vrai qu’il y a de méchants bons joueurs de hockey parmi ces deux clubs comme l’ancien choix de 2e ronde des Canucks, le défenseur Yann Sauvé, qui fait un point par match à 34 ans dans la LNAH. Ou Louick Marcotte, qui a eu une saison de 100 points dans la LHJMQ. Ou Raphaël Bussière, un gros ailier choisi en deuxième ronde par le Wild en 2012.

CE QU’ON DIT ET CE QU’ON FAIT

Mais à Laval, on s’en fout quand c’est le temps de vendre le hockey.

Kévin Beaulé a raison, c’est rétrograde et gênant. Il n’y a aucune logique que deux gars puissent essayer de se casser la gueule sur une glace. Il y a encore moins de logique qu’on en fasse la promotion.

Mais ça, c’est ce qu’on dit. Et c’est ce que la majorité des gens d’ici pensent selon plusieurs sondages sur l’abolition des bagarres.

C’est facile de dire ça. On paraît mieux quand on condamne la violence. On a l’air épais de l’encourager, comme Laval.

Mais dans notre coin, quand personne ne regarde, il se passe quoi ?

On ferme la télé quand il y a une bagarre au hockey ? On ne clique pas sur une vidéo sur nos réseaux sociaux quand il y a une mêlée générale ? Bullshit !

Nous, comme média sportif, on publie souvent des reportages qui condamnent les bagarres. Mais comme tous les médias, quand il y en a, pensez-vous qu’on les cache ? On voit très bien l’appétit des lecteurs pour ça.

C’est comme vouloir voir un accident de la route.

C’est comme cliquer sur des sites à potins. Personne ne le fait, mais tout le monde le fait.

C’est comme la porno. Personne n’en regarde, mais en 2023, il y a eu 700 millions de visites de plus sur le site porno XVIDEOS que sur Amazon. Et je souligne qu’Amazon attire 30 milliards de visites par année.

ON NE S’EN CACHE PAS AUX É.-U.

Aux États-Unis, c’est un peu plus lavallois au niveau des bagarres. On s’en cache moins qu’on aime ça.

J’écoutais la UFC et l’animateur légendaire Bruce Buffer annonçant le combat final du gala. Je le cite : « Maintenant pour le combat final présenté par Kung Fu Panda 4 que vous pouvez voir dans tous les cinémas. »

Donc nous, on devrait s’insurger que les Pétroliers de Laval fassent la promotion de la bagarre, mais en même temps un film pour enfants est vendu en partenaria­t avec un sport où le but est d’anéantir son adversaire par la bagarre ? Dans le fond, l’un n’est pas moins brillant que l’autre, à mon sens du moins.

Les bagarres sont loin de disparaîtr­e. Le discours public pour s’y opposer est complèteme­nt déconnecté de l’envie coupable, mais irrésistib­le, selon moi, pour la très grande majorité des amateurs.

 ?? ??
 ?? PHOTO D’ARCHIVES, DIDIER DEBUSSCHER­E ET CAPTURE D’ÉCRAN TIRÉE DE FACEBOOK ?? C’est en faisant la promotion de leurs bagarreurs que les Pétroliers de Laval remplissen­t leur aréna, comme en témoigne cette publicatio­n sur leur page Facebook.
PHOTO D’ARCHIVES, DIDIER DEBUSSCHER­E ET CAPTURE D’ÉCRAN TIRÉE DE FACEBOOK C’est en faisant la promotion de leurs bagarreurs que les Pétroliers de Laval remplissen­t leur aréna, comme en témoigne cette publicatio­n sur leur page Facebook.

Newspapers in French

Newspapers from Canada