Le Journal de Montreal

Les psychostim­ulants en hausse

Leur consommati­on pour traiter le TDAH chez les jeunes est de nouveau en croissance au Québec

- DAPHNÉE DION-VIENS

Alors que la consommati­on de psychostim­ulants pour traiter le TDAH chez les jeunes Québécois repart à la hausse, des experts qui avaient dénoncé la situation déplorent que peu de mesures aient été mises en place jusqu’à maintenant pour corriger le tir, trois ans après les recommanda­tions d’une commission parlementa­ire à ce sujet.

Au début 2019, près d’une cinquantai­ne de médecins avaient sonné l’alarme en dénonçant dans une lettre ouverte le recours trop facile aux médicament­s pour traiter les symptômes liés au trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactiv­ité (TDAH) chez les jeunes au Québec, où la consommati­on de psychostim­ulants comme le Ritalin était trois fois plus élevée que dans le reste du Canada.

Leur cri du coeur, publié dans Le Journal, avait fait grand bruit. Une commission parlementa­ire avait par la suite été mise sur pied pour trouver des solutions, qui ont été présentées dans un rapport publié en décembre 2020 contenant plus d’une quinzaine de recommanda­tions.

Cette « prise de conscience» collective semble avoir entraîné une diminution des prescripti­ons de psychostim­ulants chez les jeunes de 2019 à 2020, mais la tendance est repartie à la hausse par la suite, déplore l’un des signataire­s de cette lettre ouverte, le docteur en neuroscien­ces Joël Monzée, qui a analysé les données de la Régie de l’assurance maladie à ce sujet (voir encadré).

IL EST URGENT D’AGIR

Cet expert est revenu à la charge récemment avec la publicatio­n d’un rapport où, en collaborat­ion avec d’autres profession­nels, il s’est penché sur la consommati­on de psychotrop­es chez les jeunes de façon plus générale, qui a grimpé en flèche depuis une vingtaine d’années.

M. Monzée ne s’étonne pas que la consommati­on de psychostim­ulants soit repartie à la hausse récemment puisque les mesures qui auraient pu avoir le plus d’impact pour réduire le surdiagnos­tic de TDAH, identifiée­s par la commission parlementa­ire en décembre 2020, n’ont pas encore été mises en place, déplore-t-il.

Selon cet expert, il est « urgent » de redéfinir les directives entourant le TDAH afin de réduire les faux diagnostic­s. « Il faut revoir la manière d’évaluer les enfants et les adolescent­s. Les lignes directrice­s sont beaucoup trop inclusives, même si on dénonce la situation depuis plusieurs années », affirme-t-il.

Plutôt que de conclure rapidement à un trouble du déficit de l’attention, si l’enfant présente plusieurs symptômes, il faut d’abord se demander si d’autres facteurs pourraient expliquer ces symptômes, comme l’anxiété, l’immaturité liée à la date de naissance de l’enfant, l’usage abusif des écrans ou encore le manque de sommeil, explique M. Monzée.

GUIDE EN ÉLABORATIO­N

Au ministre de la Santé et à l’Institut national d’excellence en santé et en services sociaux (INESS), on indique que l’élaboratio­n d’un guide pour soutenir la prise en charge du TDAH chez les jeunes est en cours, tout comme un projet visant à documenter les interventi­ons non pharmacolo­giques chez les jeunes présentant un déficit d’attention.

Le Collège des médecins et l’Ordre des psychologu­es sont associés à cette démarche. Il reste toutefois à voir si les critères pouvant mener au diagnostic du TDAH seront bel et bien resserrés dans le cadre de ces travaux, souligne M. Monzée.

De son côté, le pédiatre à la retraite Pierre-C. Poulin, un des auteurs de la lettre ouverte publiée en 2019, se réjouit de constater que des initiative­s se mettent enfin en branle, tout en déplorant le peu de changement­s concrets depuis trois ans. « Ça ne bouge pas vite », lance-t-il.

Il est aussi important de valider statistiqu­ement les questionna­ires sur lesquels les psychologu­es et les médecins se basent pour établir un diagnostic de TDAH chez un jeune, ajoute M. Poulin.

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PHOTOS D’ARCHIVES Les médicament­s, comme le Ritalin, traitent les symptômes liés au trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactiv­ité (TDAH) chez les jeunes. Leur consommati­on est trois fois plus élevée au Québec que dans le reste du pays.
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JOËL MONZÉE Docteur en neuroscien­ces

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