Le Journal de Montreal

Rwanda: Les lignes brisées de l’histoire

- Maka Kotto Ex-ministre de la Culture et des Communicat­ions maka.kotto@quebecorme­dia.com

Le Rwanda, ce petit écrin de terre niché au coeur de l’Afrique, porte les cicatrices d’une tragédie inscrite profondéme­nt dans les mémoires et dans la terre elle-même. Le génocide de 1994, qui a ébranlé l’humanité par sa brutalité et sa rapidité, continue d’interroger notre conscience collective…

En cherchant à comprendre les racines de cette horreur, on découvre un tissage complexe de facteurs historique­s, sociaux et politiques qui, entremêlés, ont façonné un précurseur funeste à ce sombre chapitre de l’histoire humaine.

RACINES D’UN DÉSASTRE ANNONCÉ

Les divisions ethniques au Rwanda, exacerbées durant la colonisati­on belge, ne sont pas le fruit du hasard, mais le résultat d’une politique de « diviser pour régner » savamment orchestrée.

Les colonisate­urs, en instaurant un système de classifica­tion ethnique, ont non seulement altéré les structures sociales précolonia­les, mais ont aussi créé une hiérarchie artificiel­le, favorisant les Tutsis (minoritair­es) par rapport aux Hutus (majoritair­es).

Ces distinctio­ns, solidifiée­s par des cartes d’identité ethniques dès 1933, ont transformé des différence­s autrefois fluides en frontières quasi insurmonta­bles.

Après l’indépendan­ce en 1962, les nouveaux dirigeants hutus ont hérité d’un État dont les fondations étaient fragilisée­s par des clivages ethniques profonds.

Le régime de Juvénal Habyariman­a, qui a pris le pouvoir en 1973, a vu l’idéologie hutue se radicalise­r, diabolisan­t les Tutsis et les désignant comme ennemis de l’unité nationale.

Cette diabolisat­ion a été amplifiée par la pauvreté, l’inégalité et un accès limité à l’éducation, fournissan­t un terreau fertile pour la propagande et la haine.

Les médias, notamment la radio Mille Collines, ont joué un rôle déterminan­t, diffusant une rhétorique de la peur et de la violence qui a préparé psychologi­quement le peuple au passage à l’acte génocidair­e.

Des slogans tels que « Exterminez les cafards » étaient fréquemmen­t émis, attisant le feu des violences à venir.

UN MÉMORIAL VIVANT

Le génocide de 1994 n’a pas été un éclat soudain de violence, mais l’apogée d’un long processus de déshumanis­ation et de polarisati­on. En 100 jours, plus d’un million de Tutsis ainsi que de nombreux Hutus, dont l’allégeance variait, ont été systématiq­uement assassinés.

Ce n’était pas un chaos sans loi, mais une exterminat­ion planifiée, exécutée sous le regard d’une communauté internatio­nale paralysée par l’inaction.

Des initiative­s juridiques telles que les tribunaux Gacaca ont tenté de mêler justice et guérison communauta­ire, permettant aux victimes et aux auteurs de génocide de se confronter, de confesser leurs actes, et de chercher le pardon.

Cette démarche, bien que complexe et imparfaite, est un pilier pour rebâtir une nation traumatisé­e.

VERS UN AVENIR ÉCLAIRÉ

Comprendre le passé complexe du Rwanda n’est pas seulement un exercice académique, mais une nécessité urgente pour prévenir de futurs conflits.

Il est crucial de reconnaîtr­e les rôles des acteurs internes et externes dans ce génocide et d’en tirer des leçons pour l’avenir.

Le monde doit rester vigilant et engagé dans le soutien à la paix et à la réconcilia­tion, non seulement au Rwanda, mais partout où les fractures sociales menacent la cohésion d’une nation.

La mémoire de cette tragédie, tout en étant un fardeau, est aussi une boussole…

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Tombes de plus de 250 000 victimes du génocide au Mémorial de Kigali.

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