La fois où je suis entré dans le vestiaire des champions de l’Augusta National
AUGUSTA | Il tombait une fine bruine sur l’Augusta National par un vendredi après-midi tranquille d’avril 2019. Les golfeuses du Championnat amateur féminin étaient toutes sur le parcours, fermé aux membres de la presse. Quoi faire ? Cap sur le célèbre club-house.
C’était tout aussi calme. Après avoir scruté chaque pouce du rez-de-chaussée, le gigantesque trophée en argent, les peintures et avoir même passé un appel de la cabine téléphonique, une petite virée au deuxième s’imposait.
L’escalier aboutit sur une petite salle à manger. Les murs sont tapissés d’artefacts du monde du golf. Encore des peintures, des trophées, des lettres d’époque, des drapeaux autographiés par des champions.
En temps normal, on pourrait y rencontrer les vétérans professionnels sirotant une quelconque boisson. Pas cet aprèsmidi-là puisque la première édition du Championnat amateur féminin du Augusta National n’était pas terminée.
La véranda surplombe la terrasse et le Big Oak Tree, l’énorme chêne près du premier tertre. À travers ses branches, on aperçoit toute la propriété. C’est franchement de toute beauté.
UNE PORTE OUVERTE
En tournant les talons, à l’autre bout de l’étage, une porte était ouverte. Allons-y ! Journaliste curieux et un peu insouciant « sur les bords » à ma troisième visite au Masters, je n’ai alors aucune idée où je me dirige. L’endroit semble mystique et exclusif.
Dans une énorme armoire vitrée, le veston vert est exhibé sur un mannequin, entouré des divers trophées et plaques remis aux golfeurs qui réussissent des prouesses au Tournoi des Maîtres. La version miniature du trophée du vainqueur est placée sous le veston.
Bordel, me voilà dans le vestiaire des champions !
Les casiers en ébène brun enveloppent la pièce. Ils sont étampés de plaques portant le nom des vainqueurs du prestigieux Masters depuis 1934. Par les fenêtres, on peut observer le cercle des fondateurs et la célèbre Magnolia Lane.
IL EST OÙ, LE CASIER DE TIGER ?
Fan de golf depuis la grande victoire de Tiger Woods en 1997, je me mets à la recherche de son casier. Les yeux grands et ronds comme des pièces de deux dollars, je scrute dans le silence et le calme chacune des plaques. Arnold Palmer, Jack Nicklaus, Gary Player, Seve Ballesteros, Fred Couples...
« Mais il est où le casier de Tiger, il est où ? », aurait chanté Christophe Maé avec l’air de sa « toune » du bonheur en me voyant aller doucement.
Je suis dans cette pièce transpirant l’authenticité depuis deux minutes quand une voix dérange les pensées dans lesquelles je nage sans me préoccuper de la vie extérieure. Le gamin en moi en a plein les yeux. Et il veut voir la case de son idole de jeunesse.
« Mais que fais-tu ici ? m’interpelle un homme qui a toutes les allures du préposé et gardien conservant les lieux nickels.
« Ohh, je suis rentré, car la porte était ouverte et je voulais voir cette jolie pièce. Et là, je cherche le casier de Tiger. Où est-il ? » lui ai-je demandé sans malice.
« Tu n’as pas d’affaire ici, me rétorque-t-il aussitôt. La porte est là et tu sors. Maintenant. C’est interdit de se trouver ici », me presse-t-il.
J’ai alors croisé la sortie en m’étirant le cou afin de voir si le trésor que je cherchais ne pouvait pas s’y trouver. Mais en vain. Le hasard aura voulu que cette année-là, Woods ajoute un cinquième veston vert à sa collection dans l’un des moments sportifs les plus intenses et incroyables de ma carrière.
DE RETOUR EN 2022
Et en 2022, le destin aura voulu que j’y retourne, légalement, lorsque j’ai joué une ronde au lendemain du tournoi. J’y avais gagné une place par la loterie des médias.
Avec mes compagnons de jeu, je partageais alors le casier du légendaire Ben Hogan et du champion de 1976, Raymond Floyd.
Évidemment, j’ai pris un moment pour compléter ma mission amorcée trois ans plus tôt et trouver celui de Tiger.
En toute quiétude, j’ai pu contempler chaque pouce de l’endroit aussi magique que mystique.