Le Journal de Montreal

Oui aux subvention­s tout en payant peu d’impôt

Le nouveau patron de Rio Tinto estime respecter ses engagement­s

- SYLVAIN LAROCQUE

Le nouveau grand patron de la division aluminium de Rio Tinto, Jérôme Pécresse, ne voit aucun problème à ce que la multinatio­nale accumule les subvention­s alors qu’elle paie très peu d’impôt ici.

« On en bénéficie comme d’autres. Moi, personnell­ement, ça ne me choque pas. On est aussi ici parce que, depuis longtemps, le gouverneme­nt nous accompagne soit sur des projets qui ont une grande ampleur et sont un peu risqués, comme Elysis, soit sont des projets d’infrastruc­ture qui nous aident à sécuriser les emplois », a déclaré le dirigeant français hier après avoir prononcé un discours au Cercle canadien de Montréal.

La semaine dernière, le gouverneme­nt Legault a accordé une subvention de plus de 2 millions $ à Rio Tinto pour l’aider à automatise­r deux déchargeur­s d’alumine. L’an dernier, Québec lui a versé plus de 9 millions $ pour des projets de décarbonat­ion ainsi qu’un prêt avantageux de 150 millions $ pour la constructi­on de nouvelles cuves au Complexe Jonquière, un projet de 1,4 milliard $.

MOINS DE 8 M$ PAR AN

Or, en 2023, Rio Tinto n’a payé que 18 millions $ d’impôt à Québec alors qu’elle a généré des profits de plus de 1 milliard $ ici, selon des documents de l’entreprise. Au cours des 10 dernières années, le géant minier a payé, en moyenne, moins de 8 millions $ d’impôt par année à Québec, contre environ 220 millions $ à Ottawa.

M. Pécresse, qui est en poste depuis octobre, a tenu à préciser que « moins de 10 % » des quelque 5,5 milliards $ que Rio Tinto a investis au Canada depuis 2018 « provient du soutien gouverneme­ntal ».

Cela ne convainc aucunement Jacques Dubuc, un ancien cadre de Rio Tinto qui fait campagne pour pousser l’entreprise à accroître ses investisse­ments au Québec.

« Ils ne payent presque pas d’impôt et ils réussissen­t à avoir des subvention­s. Il y a là un choc qui, moi, me dépasse », a-t-il dit.

ENGAGEMENT­S NON RESPECTÉS ?

M. Dubuc soutient que Rio Tinto est loin d’avoir respecté les engagement­s qu’elle avait pris auprès de Québec en 2006 lors de l’acquisitio­n d’Alcan.

« On considère qu’on respecte parfaiteme­nt les engagement­s », a rétorqué Jérôme Pécresse.

Rio Tinto et son concurrent américain Alcoa misent grandement sur la technologi­e Elysis pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre au cours des prochaines années, mais jusqu’ici, ce sont surtout Québec et Ottawa qui ont sorti le chéquier : 140 millions $ pour les gouverneme­nts contre à peine 55 millions $ pour les deux entreprise­s.

« On est très confiants qu’[Elysis], ça pourra fonctionne­r. Ce qu’on essaie de prouver, maintenant, c’est comment on peut stabiliser notre capacité à produire le métal dans de bonnes conditions, de façon répétable et stable, et deuxièmeme­nt, combien ça va coûter en termes d’investisse­ment et de coûts d’exploitati­on », a expliqué M. Pécresse.

Faudra-t-il injecter encore des fonds publics dans Elysis ? « Probableme­nt », a-t-il répondu.

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PHOTO FOURNIE PAR LE CERCLE CANADIEN Jérôme Pécresse a tenu une conférence devant le Cercle canadien hier.

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